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demeurera en repos. C’est parce qu’il n’y a aucune raison pourquoi un côté descende plutôt que l’autre. Or par ce principe seul, savoir qu’il faut qu’il y ait une raison suffisante pourquoi les choses sont plutôt ainsi qu’autrement, se démontre la divinité, et tout le reste de la métaphysique, ou de la théologie naturelle ; et même en quelque façon les principes physiques indépendants de la mathématique, c’est-à-dire les principes dynamiques, ou de la force.

2. On passe à dire que, selon les principes mathématiques, c’est-à-dire selon la philosophie de M.  Newton (car les principes mathématiques n’y décident rien), la matière est la partie la moins considérable de l’univers. C’est qu’il admet, outre la matière, un espace vide ; et que, selon lui, la matière n’occupe qu’une très petite partie de l’espace. Mais Démocrite et Épicure ont soutenu la même chose, excepté qu’ils différaient en cela de M.  Newton du plus au moins ; et que peut-être, selon eux, il y avait plus de matière dans le monde que selon M.  Newton. En quoi je crois qu’ils étaient préférables ; car plus il y a de la matière, plus y a-t-il de l’occasion à Dieu d’exercer sa sagesse et sa puissance ; et c’est pour cela, entre autres raisons, que je tiens qu’il n’y a point de vide du tout.

3. Il se trouve expressément dans l’appendice de l’optique de M.  Newton que l’espace est le sensorium de Dieu. Or le mot sensorium a toujours signifié l’organe de la sensation. Permis à lui et à ses amis de s’expliquer maintenant tout autrement… Je ne m’y oppose pas.

4. On suppose que la présence de l’âme suffit pour qu’elle s’aperçoive de ce qui se passe dans le cerveau ; mais c’est justement ce que le Père Malebranche et toute l’école cartésienne nie, et a raison de nier. Il faut tout autre chose que la seule présence, pour qu’une chose représente ce qui se passe dans l’autre. Il faut pour cela quelque communication explicable, quelque manière d’influence. L’espace, selon M.  Newton, est intimement présent au corps qu’il contient, et qui est commensuré avec lui ; s’ensuit-il pour cela que l’espace s’aperçoive de ce qui se passe dans le corps, et qu’il s’en souvienne après que le corps en sera sorti ? Outre que l’âme, étant indivisible, sa présence immédiate qu’on pourrait s’imaginer dans le corps ne serait que dans un point. Comment donc s’apercevrait elle de ce qui se fait hors de ce point ? Je prétends d’être le premier qui ait montre comment l’âme s’aperçoit de ce qui se passe dans le corps.

5. La raison pourquoi Dieu s’aperçoit de tout n’est pas sa simple