Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/752

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trouvent une infinité d’angles formés par les lignes qui y concourent.

3. Tout est plein dans la nature. Il y a des substances simples partout, séparées effectivement les unes des autres par des actions propres, qui changent continuellement leurs rapports ; et chaque substance simple ou monade, qui fait le centre d’une substance composée (comme par exemple d’un animal), et le principe de son unicité, est environnée d’une masse composée par une infinité d’autres monades, qui constituent le corps propre de cette monade centrale, suivant les affections duquel elle représente, comme dans une manière de centre, les choses qui sont hors d’elle. Et ce corps est organique, quand il forme une manière d’automate ou de machine de la nature, qui est machine non seulement dans le tout, mais encore dans les plus petites parties qui se peuvent faire remarquer. Et comme à cause de la plénitude du monde tout est lié, et chaque corps agit sur chaque autre corps, plus ou moins, selon la distance, et en est affecté par réaction, il s’ensuit que chaque monade est un miroir vivant, ou doué d’action interne, représentatif de l’univers, suivant son point de vue, et aussi réglé que l’univers lui-même. Et les perceptions dans la monade naissent les unes des autres par les lois des appétits, ou des causes finales du bien ou du mal qui consistent dans les perfections remarquables, réglées ou déréglées, comme les changements des corps et les phénomènes au-dehors naissent les uns des autres par les lois des causes efficientes, c’est-à-dire des mouvements. Ainsi il y a une harmonie parfaite entre les perceptions de la monade et les mouvements des corps, préétablie d’abord entre le système des causes efficientes et celui des causes finales. Et c’est en cela que consiste l’accord et l’union physique de l’âme et du corps, sans que l’un puisse changer les lois de l’autre.

4. Chaque monade, avec un corps particulier, fait une substance vivante. Ainsi il n’y a pas seulement de la vie partout, jointe aux membres ou organes ; mais même il y en a une infinité de degrés dans les monades, les unes dominant plus ou moins sur les autres. Mais quand la monade a des organes si ajustés que par leur moyen il y a du relief et du distingué dans les impressions qu’ils reçoivent, et par conséquent dans les perceptions qui les représentent (comme par exemple, lorsque par le moyen de la figure des humeurs des yeux, les rayons de la lumière sont concentrés et agissent avec plus de force), cela peut aller jusqu’au sentiment, c’est-à-dire jusqu’à une perception accompagnée de mémoire, à savoir, dont un certain