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il serait impossible, que chaque portion de la matière pût exprimer tout l’univers (Prélim. Discours, § 70. Théod. § 195.)

66. Par où l’on voit qu’il y a un monde de créatures, de vivants, d’animaux, d’entéléchies, d’âmes dans la moindre partie de la matière.

67. Chaque portion de la matière peut être conçue, comme un jardin plein de plantes, et comme un étang plein de poissons. Mais chaque rameau de la plante, chaque membre de l’animal, chaque goutte de ses humeurs est encore un tel jardin, ou un tel étang.

68. Et quoique la terre et l’air interceptés entre les plantes du jardin, ou l’eau interceptée entre les poissons de l’étang, ne soit point plante, ni poisson, ils en contiennent pourtant encore, mais le plus souvent d’une subtilité à nous imperceptible.

69. Ainsi il n’y a rien d’inculte, de stérile, de mort dans l’univers, point de chaos, point de confusion qu’en apparence ; à peu près comme il en paraîtrait dans un étang, à une distance dans laquelle on verrait un mouvement confus et grouillement pour ainsi dire de poissons de l’étang, sans discerner les poissons mêmes (Préf. 5.)

70. On voit par là, que chaque corps vivant a une entéléchie dominante qui est l’âme dans l’animal ; mais les membres de ce corps vivant sont pleins d’autres vivants, plantes, animaux, dont chacun a encore son entéléchie ou son âme dominante.

71. Mais il ne faut point s’imaginer avec quelques-uns, qui avaient mal pris ma pensée, que chaque âme a une masse ou portion de la matière propre ou affectée à elle pour toujours, et qu’elle possède par conséquent d’autres vivants inférieurs, destinés toujours à son service. Car tous les corps sont dans un flux perpétuel comme des rivières, et des parties y entrent et en en sortent continuellement.

72. Ainsi l’âme ne change de corps que peu à peu et par degrés, de sorte qu’elle n’est jamais dépouillée tout d’un coup de tous ses organes et il y a souvent métamorphose dans les animaux, mais jamais Métempsychose ni transmigration des âmes : il n’y a pas non plus des âmes tout à fait séparées, ni de Génies sans corps. Dieu seul en est détaché entièrement (§§ 90, 124).

73. C’est ce qui fait aussi qu’il n’y a jamais ni génération entière, ni mort parfaite prise à la rigueur, consistant dans la séparation de l’âme. Et ce que nous appelons générations sont des développements et des accroissements, comme ce que nous appelons morts, sont des enveloppements et des diminutions.

74. Les philosophes ont été fort embarrassés sur l’origine des