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aucun mouvement interne, qui puisse être excité, dirigé, augmenté ou diminué là dedans, comme cela se peut dans les composés, où il y a des changements entre les parties. Les Monades n’ont point de fenêtres, par lesquelles quelque chose y puisse entrer ou sortir. Les accidents ne sauraient se détacher, ni se promener hors des substances, comme faisaient autrefois les espèces sensibles des scolastiques. Ainsi ni substance, ni accident peut entrer de dehors dans une Monade.

8. Cependant il faut que les Monades aient quelques qualités, autrement ce ne seraient pas même des êtres. Et si les substances simples ne différaient point par leurs qualités, il n’y aurait pas de moyen de s’apercevoir d’aucun changement dans les choses, puisque ce qui est dans le composé ne peut venir que des ingrédients simples, et les monades étant sans qualités seraient indistinguables l’une de l’autre, puisqu’aussi bien elles ne diffèrent point en quantité : et par conséquent le plein étant supposé, chaque lieu ne recevrait toujours, dans le mouvement que l’Équivalent de ce qu’il avait eu, et un état des choses serait indiscernable de l’autre.

9. Il faut même, que chaque Monade soit différente de chaque autre. Car il n’y a jamais dans la nature, deux êtres, qui soient parfaitement l’un comme l’autre et où il ne soit possible de trouver une différence interne, ou fondée sur une dénomination intrinsèque.

10. Je prends aussi pour accordé que tout être créé est sujet au changement, et par conséquent la Monade créée aussi, et même que ce changement est continuel dans chacune.

11. Il s’ensuit de ce que nous venons de dire, que les changements naturels des monades viennent d’un principe interne, puisqu’une cause externe ne saurait influer dans son intérieur (§§ 396, 900)[1].

12. Mais il faut aussi qu’outre le principe du changement il y ait un détail de ce qui change, qui fasse pour ainsi dire la spécification et la variété des substances simples.

13. Ce détail doit envelopper une multitude dans l’unité ou dans le simple. Car tout changement naturel se faisant par degrés, quelque chose change et quelque chose reste ; et par conséquent il faut que dans la substance simple il y ait une pluralité d’affections et de rapports, quoiqu’il n’y en ait point de parties.

14. L’état passager, qui enveloppe et représente une multitude dans

  1. Renvois à la Théodicée.