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règles ; et on peut dire, en effet, que c’est en cela que consiste la réalité des phénomènes, qui les distingue des songes. Les mathématiciens, cependant, n’ont point besoin du tout des discussions métaphysiques, et de s’embarrasser de l’existence réelle des points, des indivisibles, des infiniment petits et des infinis à la rigueur. Je l’ai marqué dans ma réponse à l’endroit des Mémoires de Trévoux, mai et juin 1701, que M.  Bayle a cité dans l’article de Zenon ; et j’ai donné à considérer la même année, qu’il suffit aux mathématiciens, pour la rigueur de leurs démonstrations, de prendre, au lieu des grandeurs infiniment petites, d’aussi petites qu’il en faut, pour montrer que l’erreur est moindre que celle qu’un adversaire voulait assigner, et par conséquent qu’on n’en saurait assigner aucune ; de sorte que, quand les infiniment petits exacts, qui terminent la diminution des assignations, ne seraient que comme les racines imaginaires, cela ne nuirait point au calcul infinitésimal, ou des différences et des sommes, que j’ai proposé, que des excellents mathématiciens ont cultivé si utilement, et où l’on ne saurait s’égarer, que faute de l’entendre ou faute d’application, car il porte sa démonstration avec soi. Aussi a-t-on reconnu depuis dans le Journal de Trévoux, au même endroit, que ce qu’on y avait dit auparavant n’allait pas contre mon explication. Il est vrai qu’on y prétend encore que cela va contre celle de M.  le marquis de l’Hôpital ; mais je crois qu’il ne voudra pas, non plus que moi, charger la géométrie des questions métaphysiques.

J’ai presque ri des airs que M.  le chevalier de Méré s’est donnés dans sa lettre à M.  Pascal, que M.  Bayle rapporte au même article. Mais je vois que le chevalier savait que ce grand génie avait ses inégalités, qui le rendaient quelquefois trop susceptible aux impressions des spiritualistes outrés, et le dégoûtaient même par intervalle des connaissances solides ; ce qu’on a vu arriver depuis, mais sans retour, à MM.  Stenonis et Swammerdam, faute d’avoir joint la métaphysique véritable à la physique et aux mathématiques. M.  de Méré en profitait pour parler de haut en bas à M.  Pascal. Il semble qu’il se moque un peu, comme font les gens du monde, qui ont beaucoup d’esprit et un savoir médiocre. Ils voudraient nous persuader que ce qu’ils n’entendent pas assez est peu de chose ; il aurait fallu l’envoyer à l’école chez M.  Roberval. Il est vrai cependant que le chevalier avait quelque génie extraordinaire, même pour les mathématiques ; et j’ai appris de M.  des Billettes, ami de M.  Pascal, excellent dans les mécaniques, ce que c’est que cette découverte, dont ce