Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/731

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cultés. M. Foucher, quoique très habile dans ses méditations, n’y approchait pas ; et moi je trouve que rien au monde n’est plus utile pour surmonter ces mêmes difficultés. C’est ce qui fait que je me plais extrêmement aux objections des personnes habiles et modérées, car je sens que cela me donne de nouvelles forces, comme dans la fable d’Antée terrassé. Et ce qui me fait parler avec un peu de confiance, c’est que, ne m’étant fixe qu’après avoir regardé de tous côtés et bien balance, je puis peut-être dire sans vanité : Omnia percepi, atque animo mecum ante peregi. Mais les objections me remettent dans les voies et m’épargnent bien de la peine : car il n’y en a pas peu de vouloir repasser par tous les écarts, pour deviner et prévenir ce que d’autres peuvent trouver à redire ; puisque les préventions et les inclinations sont si différentes, qu’il y a eu des personnes fort pénétrantes, qui ont donné d’abord dans mon hypothèse, et ont pris même la peine de la recommander à d’autres. Il y en a eu encore de très habiles, qui m’ont marque l’avoir déjà eue en effet, et même quelques autres ont dit qu’ils entendaient ainsi l’hypothèse des causes occasionnelles, et ne la distinguaient point de la mienne, dont je suis bien aise. Mais je ne le suis pas moins, lorsque je vois qu’on se met à l’examiner comme il faut.

Pour dire quelque chose sur les articles de M. Bayle, dont je viens de parler, et dont le sujet a beaucoup de connexion avec cette matière, il semble que la raison de la permission du mal vient des possibilités éternelles, suivant lesquelles cette manière d’univers qui l’admet, et qui a été admise à l’existence actuelle, se trouve la plus parfaite en somme parmi toutes les façons possibles. Mais on s’égare en voulant montrer en détail, avec les stoïciens, cette utilité du mal qui relève du bien, que saint Augustin a bien reconnue en général, et qui, pour ainsi dire, fait reculer pour mieux sauter ; car peut-on entrer dans les particularités infinies de l’harmonie universelle ? Cependant, s’il fallait choisir entre deux, suivant la raison, je serais plutôt pour l’origéniste, et jamais pour le manichéen. Il ne me paraît pas qu’il faille ôter l’action ou la force aux créatures, sous prétexte qu’elles créeraient si elles produisaient des modalités. Car c’est Dieu qui conserve et crée continuellement leurs forces, c’est-à-dire une source de modifications, qui est dans la créature, ou bien un état par lequel on peut juger qu’il y aura changement de modifications ; parce que, sans cela, je trouve, comme j’ai dit ci-dessus l’avoir montré ailleurs, que Dieu ne produirait rien, et