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célébrer sa gloire. Ainsi dès qu’on voit la possibilité de cette hypothèse des accords, on voit aussi qu’elle est la plus raisonnable, et qu’elle donne une merveilleuse idée de l’harmonie de l’univers et de la perfection des ouvrages de Dieu.

16. Il s’y trouve aussi ce grand avantage, qu’au lieu de dire que nous ne sommes libres qu’en apparence et d’une manière suffisante à la pratique, comme plusieurs personnes d’esprit ont cru, il faut dire plutôt que nous ne sommes entraînés qu’en apparence, et que dans la rigueur des expressions métaphysiques, nous sommes dans une parfaite indépendance à l’égard de l’influence de toutes les autres créatures. Ce qui met encore dans un jour merveilleux l’immortalité de notre âme, et la conservation toujours uniforme de notre individu, parfaitement bien réglée par sa propre nature, à l’abri de tous les accidents de dehors, quelque apparence qu’il y ait du contraire. Jamais système n’a mis notre élévation dans une plus grande évidence. Tout Esprit étant comme un Monde à part, suffisant à lui-même, indépendant de toute autre créature, enveloppant l’infini, exprimant l’univers, est aussi durable, aussi subsistant, et aussi absolu que l’univers lui-même des créatures. Ainsi on doit juger qu’il y doit toujours faire figure de la manière la plus propre à contribuer à la perfection de la société de tous les esprits, qui fait leur union morale dans la Cité de Dieu. On y trouve aussi une nouvelle preuve de l’existence de Dieu, qui est d’une clarté surprenante. Car ce parfait accord de tant de substances qui n’ont point de communication ensemble, ne saurait venir que de la cause commune.

17. Outre tous ces avantages qui rendent cette hypothèse recommandable, on peut dire que c’est quelque chose de plus qu’une hypothèse, puisqu’il ne paraît guère possible d’expliquer les choses d’une autre manière intelligible, et que plusieurs grandes difficultés qui ont jusqu’ici exercé les esprits semblent disparaître d’elles-mêmes quand on l’a bien comprise. Les manières de parler ordinaires se sauvent encore très bien. Car on peut dire que la substance dont la disposition rend raison du changement d’une manière intelligible (en sorte qu’on peut juger que c’est à elle que les autres ont été accommodées en ce point dès le commencement, selon l’ordre des décrets de Dieu) est celle qu’on doit concevoir en cela, comme agissante ensuite sur les autres. Aussi l’action d’une substance sur l’autre n’est pas une émission ni une transplantation d’une entité, comme le vulgaire le conçoit, et ne saurait être prise raisonnable-