matiques, je n’ai pas laissé de méditer sur la philosophie dès ma jeunesse ; car il me paraissait toujours qu’il y avait moyen d’y établir quelque chose de solide par des démonstrations claires. J’avais pénétré bien avant dans le pays des scolastiques, lorsque les mathématiques et les auteurs modernes m’en firent sortir encore bien jeune. Leurs belles manières d’expliquer la nature mécaniquement me charmèrent, et je méprisais avec raison la méthode de ceux qui n’emploient que des formes ou des facultés dont on n’apprend rien. Mais depuis, ayant tâché d’approfondir les principes mêmes de la mécanique, pour rendre raison des lois de la nature que l’expérience faisait connaître, je m’aperçus que la seule considération d’une masse étendue ne suffisait pas, et qu’il fallait employer encore la notion de la force, qui est très intelligible, quoiqu’elle soit du ressort de la métaphysique. Il me paraissait aussi, que l’opinion de ceux qui transforment ou dégradent les bêtes en pures machines, quoiqu’elle semble possible, est hors d’apparence, et même contre l’ordre des choses.
3. Au commencement, lorsque je m’étais affranchi du joug d’Aristote, j’avais donné dans le vide et dans les atomes, car c’est ce qui remplit le mieux l’imagination ; mais en étant revenu, après bien des méditations, je m’aperçus qu’il est impossible de trouver les principes d’une véritable unité dans la matière seule, ou dans ce qui n’est que passif, puisque tout n’y est que collection ou amas de parties jusqu’à l’infini. Or la multitude ne pouvant avoir sa réalité que des unités véritables qui viennent d’ailleurs, et sont tout autre chose que les points dont il est constant que le continu ne saurait être composé ; donc pour trouver ces unités réelles je fus contraint de recourir à un atome formel, puisqu’un être matériel ne saurait être en même temps matériel et parfaitement indivisible, ou doué d’une véritable unité. Il fallut donc rappeler et comme réhabiliter les formes substantielles, si décriées aujourd’hui ; mais d’une manière qui les rendît intelligibles et qui séparât l’usage qu’on en doit faire de l’abus qu’on en a fait. Je trouvai donc que leur nature consiste dans la force, et que de cela s’ensuit quelque chose d’analogique au sentiment et à l’appétit ; et qu’ainsi il fallait les concevoir à l’imitation de la notion que nous avons des âmes. Mais comme l’âme ne doit pas être employée pour rendre raison du détail de l’économie du corps de l’animal, je jugeai de même qu’il ne fallait pas employer ces formes pour expliquer les problèmes particuliers de la nature,