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nouveaux essais sur l’entendement

moi je trouvais les sentiments de Gassendi[1], éclaircis par Rernier[2], plus faciles et plus naturels. Maintenant, je me sens excrément fortifié par l’excellent ouvrage qu’un illustre Anglais, que j’ai l’honneur de connaître particulièrement, a publié depuis, et qu’on a réimprimé plusieurs fois en Angleterre, sous le titre modeste d’Essais concernant l’enterrement humain. Et je suis ravi qu’il paraît depuis peu en latin et en français, afin qu’il puisse être d’une utilité plus-générale. J’ai fort profité de la lecture de cet ouvrage et même de la conversation de l’auteur, que j’ai entretenu souvent à Londres et quelquefois à Oates, chez milady Masham, digne fille du célèbre M. Cudworth, grand philosophe et théologien anglais[3], auteur du Système intellectuel dont elle a hérité l’esprit de méditation et l’amour des belles connaissances, qui paraît particulièrement par l’amitié qu’elle entretient avec l’auteur de l’Essai, et comme il a été attaqué par quelques docteurs de mérite, j’ai pris plaisir à lire aussi l’apologie, qu’une demoiselle fort sage et fort spirituelle a faite pour lui, outre celles qu’il a faites lui-même. Cet auteur est assez dans le système de M. Gassendi, qui est dans le fond celui de Démocrite[4]. Il est pour le vide et pour les atomes ; il croit que la matière pourrait penser ; qu’il n’y a point d’idées innées ; que notre esprit est tabula rosa, et que nous ne pensons pas toujours ; il paraît d’Humeur à approuver la plus grande partie des objec-

  1. Gasseundi né en Provence en 1592, professeur au Collège de France, mort en 1656. Sonprincipal ouvrage est : Syntagma philosopltiæ Epcuri. Ses œuvres complètes ont été publiées à Lyon en 1658, 6 vol. in-fol.
  2. Bernier, voyageur et philosophe célèbre du xviie siècle et élève de Gassendi. Son ouvrage principal en philosophie est l’abrégé de la philosophie de Gassentli en 8 volumes, in-12, 1678.
  3. Ralph Cudworth né à Aller dans le comté de Sommerset, professeur à l’Université de Cambridge. Il y avait alors à Cambridge une sorte d’académie platonicienne, composée d’Henri Morus, Théophile Gale, Thomas Burnet, Whitcok, Tillotson le prédicateur. Ils passaient pour latitudinariens, secte théologique, large et tolérante, qui avait cherché un milieu entre le papisme et le puritanisme, et dont le chef était Chillingsworth. Le principal ouvrage de Cudworh est le Vrai système intellectuel (The true intellectual system) ; Londres, 1678. Mosheim a donné une traduction latine des œuvres confrères de Cudworth. Une édition anglaise a été publiée récemment. — Sa fille, lady Masham, amie de Locke, et chez laquelle il est mort, s’est aussi occupée de philosophie ; on a d’elle un petit traité sur l’Amour divin, contre Norris, Mallebranche et les mystiques de son temps.
  4. Démocrite, philosophe grec, né à Abdère vers 491 av. J-C. Il vécut très longtemps, de quatre-vingts a cent ans, fit de nombreux voyages qui nous sont attestés par lui-même dans un fragment célèbre. Il est avec Leucippe le fondateur de la philosophie des atomes. Il composa de nombreux ouvrages sur toutes les connaissances humaines, et Diogène Laerce en compte jusqu’à soixante-douze.