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tout d’atomes, mais qui doit être nécessairement fausse selon moi (à ce que vous jugez), puisque, hors les corps animés qui ne font pas la cent mille millième partie des autres, il faut nécessairement que tous les autres soient plua entia, et qu’ainsi la difficulté revient. Mais c’est par la que je vois, Monsieur, que je ne me suis pas encore bien expliqué pour vous faire entrer dans mon hypothèse. Car, outre que je ne me souviens pas d’avoir dit qu’il n’y a point de forme substantielle hors les âmes ; je suis bien éloigné du sentiment, qui dit que les corps animés ne sont qu’une petite partie des autres. Car je crois plutôt que tout est plein de corps animés, et chez moi il y a sans comparaison plus d’âmes qu’il n’y a d’atomes chez M.  Cordemoy, qui en fait le nombre fini, au lieu que je tiens que le nombre des âmes, ou au moins des formes, est tout à fait infini, et que la matière étant divisible sans fin, on n’y peut assigner aucune partie si petite où il n’y ait dedans des corps animés, ou au moins doués d’une entéléchie primitive, ou (si vous permettez qu’on se serve si généralement du nom de vie) d’un principe vital, c’est-à-dire des substances corporelles, dont on pourra dire en général de toutes qu’elles sont vivantes.

2. Quant à cette autre difficulté que vous faites, Monsieur, savoir que l’âme jointe à la matière n’en fait pas un être véritablement un, puisque la matière n’est pas véritablement une en elle-même, et que l’âme, En ce que vous jugez, ne lui donne qu’une dénomination extrinsèque, je réponds que c’est la substance animée à qui cette matière appartient, qui est véritablement un être, et la matière prise pour la masse en elle-même n’est qu’un pur phénomène ou apparence bien fondée, comme encore l’espace et le temps. Elle n’a pas même des qualités précises et arrêtées qui la puissent l’aire passer pour un être déterminé, comme j’ai déjà insinué dans ma précédente ; puisque la figure même, qui est de l’essence d’une masse étendue terminée, n’est jamais exacte et déterminée à la rigueur dans la nature, à cause de la division actuelle à l’infini des parties de la matière. Il n’y a jamais ni globe sans inégalités, ni droite sans courbures entremêlées, ni courbe d’une certaine nature finie, sans mélange de quelque autre, et cela dans les petites parties comme dans les grandes, ce qui fait que la figure, bien loin d’être constitutive des corps, n’est pas seulement une qualité entièrement réelle et déterminée hors de la pensée, et on ne pourra jamais assigner ai quelque corps une certaine surface précise, comme ou pourrait faire