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et de passion n’a garde de renfermer une substance, ou au moins il suffit que je déclare que si jamais Dieu réduit quelque corps à un parfait repos, ce qui ne se saurait faire que par miracle, il faudra un nouveau miracle pour lui rendre quelque mouvement. Vous voyez aussi que mon opinion confirme plutôt qu’elle ne détruit la preuve du premier moteur. Il faut toujours rendre raison du commencement du mouvement et de ses lois et de l’accord des mouvements entre eux ; ce qu’on ne saurait faire sans recourir à Dieu. Au reste, ma main se remue non pas à cause que je le veux, car j’ai beau vouloir qu’une montagne se remue, si je n’ai une foi miraculeuse, il ne s’en fera rien ; mais parce que je ne le pourrais vouloir avec succès, si ce n’était justement dans le moment que les ressorts de la main se vont débander comme il faut pour cet effet ; ce qui se fait d’autant plus que mes passions s’accordent avec les mouvements de mon corps. L’un accompagne toujours l’autre en vertu de la correspondance établie ci-dessus, mais chacun a sa cause immédiate chez soi.

Je viens à l’article des formes ou âmes que je tiens indivisibles et indestructibles. Je ne suis pas le premier de cette opinion. Parménide (dont Platon parle avec vénération), aussi bien que Melisse, a soutenu qu’il n’y avait point de génération ni corruption qu’en apparence ; Aristote le témoigne, livre III, du ciel, chap. ii. Et l’auteur du Ier livre De diœta, qu’on attribue à Hippocrate, dit expressément qu’un animal ne saurait être engendré tout de nouveau, ni détruit tout à fait. Albert le Grand et Jean Bacon semblent avoir cru que les formes substantielles étaient déjà cachées dans la matière de sont temps ; Fernel les fait descendre du Ciel, pour ne rien dire de ceux qui les détachent de l’âme du monde. Ils ont tous vu une partie de la vérité, mais ils ne l’ont point développée ; plusieurs ont cru la transmigration, d’autres la traduction des âmes, au lieu de s’aviser de la transmigration et transformation d’un animal déjà formé. D’autres, ne pouvant expliquer autrement l’origine des formes, ont accordé qu’elles commencent par une véritable création, et au lieu que je n’admets cette création dans la suite des temps qu’à l’égard de l’âme raisonnable, et tiens que toutes les formes qui ne pensent point ont été créées avec le monde, ils croient que cette création arrive tous les jours quand le moindre vers est engendré. Philopon, ancien interprète d’Aristote, dans son livre contre Proclus, et Gabriel Biel semblent avoir été de cette opinion. Il me semble que saint