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piqûre avant qu’elle en ait le sentiment de la douleur. Cette, même expression plus distincte, etc., lui devait donc faire connaître une infinité d’autres choses qui se passent dans mon corps, qu’elle ne connaît pas néanmoins, comme tout ce qui se fait dans la digestion et la nutrition.

Quant à ce que vous dites : que quoique mon bras se lève lorsque je le veux lever, ce n’est pas que mon âme cause ce mouvement dans mon bras ; mais c’est que, « quand je le veux lever, c’est justement dans le moment que tout est disposé dans le corps pour cet effet ; de sorte que le corps se meut en vertu de ses propres lois, quoiqu’il arrive par l’accord admirable, immanquable des choses entre elles, que ces lois y conspirent justement dans le moment que la volonté s’y porte, Dieu y ayant eu égard par avance, lorsqu’il a pris sa résolution sur cette suite de toutes les choses de l’univers ». Il me semble que c’est dire la même chose en d’autres termes, que disent ceux qui prétendent, que ma volonté est occasionnelle du mouvement de mon bras, et que Dieu en est la cause réelle. Car ils ne prétendent pas que Dieu fasse cela dans le temps par une nouvelle volonté, qu’il ait chaque fois que je veux lever le bras : mais par cet acte unique de la volonté éternelle, par laquelle il a voulu faire tout ce qu’il a prévu qu’il serait nécessaire qu’il fit, afin que l’univers fût tel qu’il a jugé qu’il devait être. Or, n’est-ce pas à quoi revient ce que vous dites, que la cause du mouvement de mon bras, lorsque je le veux lever, est à l’accord admirable mais immanquable des choses entre elles, qui vient de ce que Dieu y a eu égard par avance lorsqu’il a pris sa résolution sur cette suite de toutes les choses de l’univers ». Car cet égard de Dieu n’a pu faire qu’une chose soit arrivée sans une cause réelle : il faut donc trouver la cause réelle de ce mouvement de mon bras. Vous ne voulez pas que ce soit ma volonté. Je ne crois pas aussi que vous croyiez qu’un corps puisse se mouvoir soi-même ou un autre corps comme cause réelle et efficiente. Reste donc que ce soit cet égard de Dieu, qui soit la cause réelle et efficiente du mouvement de mon bras. Or vous appelez vous-même cet égard de Dieu sa résolution, et résolution et volonté sont la même chose : donc selon vous toutes les fois que je veux lever le bras, c’est la volonté de Dieu qui est la cause réelle et efficiente de ce mouvement.

Pour la deuxième difficulté je connais présentement votre opinion tout autrement que je ne faisais. Car je supposais que vous raison-