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montant font descendre tout ce qu’ils trouvent en leur chemin, et leur transportent une partie de ce qu’ils ont de mouvement : et qu’ainsi il ne faut pas s’étonner si le corps B quadruple d’A a plus de mouvement étant descendu un pied que le corps A étant descendu quatre pieds ; parce que les corpuscules qui ont poussé B lui ont communiqué du mouvement proportionné à sa masse, et ceux qui ont poussé A proportionnément à la sienne. Je ne vous assure pas que cette réponse soit bonne, mais je crois au moins que vous devez vous appliquer à voir si cela n’y fait rien. Et je serais bien aise de savoir ce que les cartésiens ont dit sur votre écrit.

Je ne sais si vous avez examiné ce que dit M.  Descartes dans ses lettres sur son principe général des mécaniques. Il me semble qu’en voulant montrer pourquoi la même force peut lever par le moyen d’une machine le double ou le quadruple de ce qu’elle lèverait sans machine il déclare qu’il n’a point d’égard à la vélocité. Mais je n’en ai qu’une mémoire confuse. Car je ne me suis jamais appliqué à ces choses-là que par occasion et à des heures perdues, et il y a plus de vingt ans que je n’ai vu aucun de ces livres-là.

Je ne désire point, Monsieur, que vous vous détourniez d’aucune de vos occupations tant soit peu importante pour résoudre les deux doutes que je vous propose. Vous en ferez ce qu’il vous plaira, et à votre loisir.

Je voudrais bien savoir si vous n’avez point donné la dernière perfection à deux machines que vous aviez trouvées étant à Paris. L’une d’arithmétique qui paraissait bien plus parfaite que celle de M.  Pascal, et l’autre une montre tout à fait juste. Je suis tout à vous.


Projet d’une lettre à M.  Arnauld[1].

Monsieur,

L’hypothèse de la concomitance est une suite de la notion que j’ai de la substance. Car, selon moi, la notion individuelle d’une substance enveloppe tout ce qui lui doit jamais arriver, et c’est en quoi les êtres accomplis différent de ceux qui ne le sont pas. Or, l’âme étant une substance individuelle, il faut que sa notion, idée, essence ou nature enveloppe tout ce qui lui doit arriver ; et Dieu, qui la voit parfaitement, y voit ce qu’elle agira ou souffrira à tout

  1. Cette lettre est une première ébauche de la lettre suivante.