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eidem subjecto. Or qu’est-ce que de dire que le prédicat est dans le même sujet, sinon que la notion du prédicat se trouve en quelque façon enfermée dans la notion du sujet ? Et puisque, des que j’ai commencé d’être, on pouvait dire de moi véritablement que ceci ou cela m’arriverait, il faut avouer que ces prédicats étaient des lois enfermées dans le sujet ou dans ma notion complète, qui fait ce qu’on appelle moi, qui est le fondement de la connexion de tous mes états différents et que Dieu connaissait parfaitement de toute éternité. Après cela, je crois que tous les doutes doivent disparaître ; car, disant que la notion individuelle d’Adam enferme tout ce qui lui arrivera à jamais, je ne veux dire autre chose, sinon ce que tous les philosophes entendent en disant prædicatum inesse subjecto verœ propositionis. Il est vrai que les suites d’un dogme si manifeste sont paradoxes, mais c’est la faute des philosophes qui ne poursuivent pas assez les notions les plus claires.

Maintenant je crois que M.  Arnaud, étant aussi pénétrant et équitable qu’il l’est, ne trouvera plus ma proposition si étrange, quand même il ne pourrait pas encore l’approuver entièrement, quoique je me flatte presque de son approbation. Je demeure d’accord de ce qu’il ajoute judicieusement touchant la circonspection dont il faut user en consultant la science divine, pour savoir ce que nous devons juger des notions des choses. Mais, à le bien prendre, ce que je viens de dire doit avoir lieu quand on ne parlerait point de Dieu qu’autant qu’il est nécessaire. Car, quand on ne dirait pas que Dieu, considérant l’Adam qu’il prend la résolution de créer, y voit tous ses événements, c’est assez qu’on peut toujours prouver qu’il faut qu’il y ait une notion complète de cet Adam qui les contienne. Car tous les prédicats d’Adam dépendent d’autres prédicats du même Adam, ou n’en dépendent point. Mettant donc à part ceux qui dépendent d’autres, on n’a qu’à prendre ensemble tous les prédicats primitifs pour former la notion complète d’Adam suffisante à en déduire tout ce qui lui doit jamais arriver, autant qu’il faut pour en pouvoir rendre raison. Il est manifeste que Dieu peut inventer et même conçoit effectivement une telle notion suffisante pour rendre raison de tous les phénomènes appartenant à Adam ; mais il n’est pas moins manifeste qu’elle est possible en elle-même. Il est vrai qu’il ne faut pas s’enfoncer sans nécessité dans la recherche de la science et volonté divine, il cause des grandes difficultés qu’il y a ; néanmoins on peut expliquer ce que nous en avons tiré pour notre question, sans en-