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l’ait voulu créer, tout ce qui est arrivé au genre humain a dû ou doit arriver par une nécessite fatale, ou au moins qu’il n’y a pas plus de liberté à Dieu à l’égard de tout cela, suppose qu’il ait voulu créer Adam, que de ne pas créer une nature capable de penser, supposé qu’il ait voulu me créer. » J’avais répondu premièrement qu’il faut distinguer entre la nécessite absolue et hypothétique. À quoi M. Arnaud réplique ici qu’il ne parle que de necessitate ex hypothesi. Après cette déclaration, la dispute change de face. Le terme de la nécessite fatale dont il s’était servi et qu’on ne prend ordinairement que d’une nécessite absolue m’avait obligé à cette distinction, qui cesse maintenant d’autant que M. Arnaud n’insiste point sur la necessitate fatali, puisqu’il parle alternativement : « par une necessitate fatali ou au moins, etc. » Aussi, serait-il inutile de disputer du mot. Mais, quant à la chose, M. Arnaud trouve encore étrange ce qu’il semble que je soutiens, savoir « que tous les événements humains arrivent necessitate ex hypothesi de cette seule supposition que Dieu a voulu créer Adam » ; à quoi j’ai deux réponses à donner, l’une que ma supposition n’est pas simplement que Dieu a voulu créer un Adam, dont la notion soit vague et incomplète, mais que Dieu a voulu créer un tel Adam assez déterminé à un individu. Et cette notion individuelle complète, selon moi, enveloppe des rapports à toute la suite des choses, ce qui doit paraître d’autant plus raisonnable que M. Arnaud m’accorde ici la liaison qu’il y a entre les résolutions de Dieu, savoir que Dieu, prenant la résolution de créer un tel Adam, a égard à toutes les résolutions qu’il prend touchant toute la suite de l’univers, à peu près comme une personne sage qui prend une résolution à l’égard d’une partie de son dessein, l’a tout entier en vue, et se résoudra d’autant mieux, si elle pourra se résoudre sur toutes les parties à la fois.

L’autre réponse est que la conséquence en vertu de laquelle les événements suivent de l’hypothèse est bien toujours certaine, mais qu’elle n’est pas toujours nécessaire necessitate metaphysica, comme est celle qui se trouve dans l’exemple de M. Arnaud (que Dieu en résolvant de me créer ne saurait manquer de créer une nature capable de penser), mais que souvent la conséquence n’est que physique, et suppose quelques décrets libres de Dieu, comme font les conséquences qui dépendent des lois du mouvement, ou qui dépendent de ce principe de morale, que tout esprit se portera à ce qui lui paraît le meilleur. Il est vrai que, lorsque la supposition des