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qui appartient à la volonté, il faudrait parler du bien et du mal, de la félicité et de la misère, et il ne tiendra qu’à vous de pousser assez cette doctrine pour y faire entrer toute la philosophie pratique. En échange, tout pourrait entrer dans la philosophie pratique comme servant à notre félicité. Vous savez qu’on considère la théologie avec raison comme une science pratique, et la jurisprudence aussi bien que la médecine ne le sont pas moins ; de sorte que la doctrine de la félicité humaine ou de notre bien et mal absorbera toutes ces connaissances, lorsqu’on voudra expliquer suffisamment tous les moyens, qui servent à la fin que la raison se propose. C’est ainsi que Zwingerus[1] a tout compris dans son Théâtre méthodique de la vie humaine, que Beyerling[2] a détraqué en le mettant en ordre alphabétique. Et en traitant toutes les matières par dictionnaires suivant l’ordre de l’alphabet, la doctrine des langues (que vous mettez dans la logique avec les Anciens), c’est-a-dire dans la discursive, s’emparera à son tour du territoire des deux autres. Voila donc vos trois grandes provinces dé l’Encyc1opédie en guerre continuelle, puisque l’une entreprend toujours sur les droits des autres. Les nominaux ont cru qu’il y avait autant de sciences particulières que de vérités, lesquelles composaient après des touts, selon qu’on les arrangeait ; et d’autres comparent le corps entier de nos connaissances à un océan qui est tout d’une pièce et qui n’est divisé en calédonien, atlantique, éthiopique, indien, que par des lignes arbitraires. Il se trouve ordinairement qu’une même vérité peut être placée en différents endroits, selon les termes qu’elle contient, et même selon les termes moyens ou causes dont elle dépend, et selon les suites et les effets qu’elle peut avoir. Une proposition catégorique simple n’a que deux termes ; mais une proposition hypothétique en peut avoir quatre, sans parler des énonciations composées. Une histoire mémorable peut être placée dans les annales de l’histoire universelle et dans l’histoire du pays où elle est arrivée, et dans l’histoire

  1. Zwinger (H). Il y a trois Zwinger : le premier, dit l’ancien ou chef de la famille, médecin, né à Bâle, 1533, mort. en 1588, auteur du Theatrum vitæ humanæ (Bâle, 1565 ; c’est le livre cité par Leibniz). — Le second, fils du précédent, né à Bâle, 1569, également médecin. — Le troisième, fils du précédent, médecin et théologien, né à Bâle en 1597, mort en 1654, auteur du Theatrum sapientiæ cœlestis. Bâle, 1652, in-4o. P. J.
  2. Beyerlin (Laurent), né à Anvers en 1578, mort en cette ville en 1627. Il publia, avec additions et corrections, le Theatrum de Zwinger (Cologne, 1631, 8 vol. in-fol.), qui déjà avait eu trois éditions : « C’est, nous dit-on, un fatras de théologie, d’histoire, de politique et de philosophie. » (Biog. univ.) P. J.