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en considérant la division des sciences. Tout ce qui petit entrer dans la sphère de l’entendement humain est ou la nature des choses en elles-mêmes, ou en second lieu l’homme en qualité d’agent, tendant à sa fin et particulièrement à sa félicité ; ou en troisième lieu, les moyens d’acquérir et de communiquer la connaissance. Et voila la science divisée en trois espèces. § 2. La première est la physique ou la philosophie naturelle, qui comprend non seulement les corps et leurs affections comme nombre, figure, mais encore les esprits, Dieu même et les anges. § 3. La seconde est la philosophie pratique ou la morale, qui enseigne le moyen d’obtenir des choses bonnes et utiles, et se propose non seulement la connaissance de la vérité, mais encore la pratique de ce qui est juste. § 4. Enfin la troisième est la logique ou la connaissance des signes, car λόγος signifie parole. Et nous avons besoin des signes de nos idées pour pouvoir nous entrecommuniquer nos pensées, aussi bien que pour les enregistrer pour notre propre usage. Et peut-être que, si l’on considérait distinctement et avec tout le soin possible que, cette dernière espèce de science roule sur les idées et les mots, nous aurions une logique et une critique différente de celle qu’on a vue jusqu’ici. Et ces trois espèces, la physique, la morale et la logique, sont comme trois grandes provinces dans le monde intellectuel, entièrement séparées et distinctes l’une de l’autre.

Th. Cette division a déjà été célèbre chez les Anciens ; car sous la logique ils comprenaient encore, comme vous faites, tout ce qu’on rapporte aux paroles et à l’explication de nos pensées, artes dicendi. Cependant il y a de la difficulté là dedans ; car la science de raisonner, de juger, d’inventer paraît bien différente de la connaissance des étymologies des mots et de l’usage des langues, qui est quelque chose d’indéfini et d’arbitraire. De plus, en expliquant les mots on est obligé de faire une course dans les sciences mêmes comme il paraît dans les dictionnaires ; et de l’autre côté on ne saurait traiter la science sans donner en même temps les définitions des termes. Mais la principale difficulté, qui se trouve dans cette division des sciences, est que chaque parti paraît engloutir le tout ; premièrement la morale et la logique tomberont dans la physique, prise aussi généralement qu’on vient de dire ; car en parlant des esprits, c’est-à-dire des substances qui ont de l’entendement et de la volonté, et en expliquant cet entendement à fond, vous y ferez entrer toute la logique : et en expliquant dans la doctrine des esprits ce