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les Évêques assemblés en concile peuvent faire, c’est d’attester le fait de la doctrine reçue dans leurs diocèses. Le principe est spécieux tant qu’on demeure dans les généralités ; mais quand on vient au fait, il se trouve que des différents pays ont reçu des opinions différentes depuis longtemps ; et dans les mêmes pays encore on est allé du blanc au noir, malgré les arguments de M. Arnaud contre les changements insensibles ; outre que souvent, sans se borner à attester, on s’est mêlé de juger. C’est aussi dans le fond l’opinion de Gretser[1], savant jésuite de Bavière, auteur d’une autre Analyse de la foi, approuvée des théologiens de son ordre, que l’Église peut juger des controverses en faisant de nouveaux articles de foi, l’assistance du Saint-Esprit lui étant promise, quoiqu’on tâche le plus souvent de déguiser ce sentiment surtout en France, comme si l’Église ne faisait qu’éclaircir des doctrines déjà établies. Mais l’éclaircissement est une énonciation déjà reçue ou c’en est une nouvelle qu’on croit tirer de la doctrine reçue. La pratique s’oppose le plus souvent au premier sens, et dans le second l’énonciation nouvelle, qu’on établit, que peut-elle être qu’un article nouveau ? Cependant je ne suis point d’avis qu’on méprise l’antiquité en matière de religion ; et je crois même qu’on petit dire que Dieu a préservé les Conciles véritablement œcuméniques jusqu’ici de toute erreur contraire à la doctrine salutaire. Au reste, c’est une chose étrange que la prévention de parti : j’ai vu des gens embrasser avec ardeur une opinion, par la seule raison qu’elle est reçue dans leur ordre, ou même seulement parce qu’elle est contraire à celle d’un homme d’une religion ou d’une nation qu’ils n’aimaient point, quoique la question n’eût presque point de connexion avec la religion ou avec les intérêts des peuples. Ils ne savaient point peut-être que c’était là véritablement la source de leur zèle ; mais je reconnaissais que sur la première nouvelle qu’un tel avait écrit telle ou telle chose ; ils fouillaient dans les bibliothèques et alambiquaient leurs esprits animaux pour trou» ver de quoi le réfuter. C’est ce qui se pratique aussi souvent par ceux qui soutiennent des thèses dans les universités et qui cherchent à se signaler contre les adversaires. Mais que dirons-nous des doctrines prescrites dans les livres symboliques du parti même parmi les protestants, qu’on est souvent obligé d’embrasser avec serment ?

  1. Gretser (Jacques), jésuite, né à Marckdorf en Souabe en 1561, mort à Ingolstadt en 1625. Ses œuvres complètes ont été publiées à Ratisbonne en 1734 et suiv. en 17 vol. in-fol. P. J.