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l’extrême obstination qu’on remarque dans différents, hommes à croire fortement des opinions directement opposées comme des articles de foi, quoiqu’elles soient fort souvent également absurdes. Prenez un homme de bon sens, mais persuadé de cette maxime qu’on doit croire ce qu’on croit dans sa communion, telle qu’on l’enseign à Wittemberg ou en Suède, quelle disposition n’a-t-il pas à recevoir sans peine la doctrine de la consubstantiation et à croire qu’une même chose est chair et pain à la fois.

Th. Il paraît bien, Monsieur, que vous n’êtes pas assez instruit des sentiments des Évangéliques, qui admettent la présence réelle du corps de Notre-Seigneur dans l’Eucharistie. Ils se sont expliqués mille fois qu’ils ne veulent point de consubstantiation du pain et du vin avec la chair et le sang de Jésus-Christ, et encore moins qu’une même chose est chair et pain ensemble. Ils enseignent seulement qu’en recevant les symboles visibles on reçoit d’une manière invisible et surnaturelle le corps du Sauveur, sans qu’il soit enfermé dans le pain. Et la présence qu’ils entendent n’est point locale, ou spatiale pour ainsi dire, c’est-à-dire déterminée par les dimensions du corps présent : de sorte que tout ce que les sens y peuvent opposer ne les regarde point. Et, pour faire voir que les inconvénients qu’on pourrait tirer de la raison ne les touchent point non plus, ils déclarent que ce qu’ils entendent par la substance du corps ne consiste point dans l’étendue ou dimension ; et ils ne font point difficulté d’admettre que le corps glorieux de Jésus-Christ garde une certaine présence ordinaire et locale, mais convenable à son état dans le lieu sublime où il se trouve, toute différente de cette présence sacramentale, dont il s’agit ici, ou de sa présence miraculeuse, avec laquelle il gouverne l’Église qui fait qu’il est non pas partout comme Dieu, mais là où il veut bien être : ce qui est le sentiment des plus modérés, de sorte que, pour montrer l’absurdité de leur doctrine, il faudrait démontrer que toute l’essence du corps ne consiste que dans l’étendue et de ce qui est uniquement mesuré par là, ce que personne n’a encore fait que je sache. Aussi toute cette difficulté ne regarde pas moins les réformés, qui suivent les confessions gallicane et belgique, la déclaration de l’assemblée de Sendomir, composée de gens des deux confessions augustane et helvétique, conforme il la confession saxonne, destinée pour le concile de Trente ; la profession de foi des réformés venus au colloque de Thorn, convoqué sous l’autorité d’Uladislas, roi de Pologne, et la doctrine cons-