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ligion sans en avoir des preuves la grâce intérieure suppléera au défaut des motifs de la crédibilité ; et la charité nous fait juger encore, comme je vous ai déjà marqué, que Dieu fait pour les personnes de bonne volonté, élevées parmi les épaisses ténèbres des erreurs les plus dangereuses, tout ce que sa bonté et sa justice demandent, quoique peut-être d’une manière qui nous est inconnue. On a des histoires applaudies dans l’Église romaine de personnes qui ont été ressuscitées exprès pour ne point manquer des secours salutaires. Mais Dieu peut secourir les âmes par l’opération interne du Saint-Esprit, sans avoir besoin d’un si grand miracle ; et ce qu’il y a de bon et de consolant pour le genre humain, c’est que, pour se mettre dans l’état de la grâce de Dieu, il ne faut que la bonne volonté, mais sincère et sérieuse. Je reconnais qu’on n’a pas même cette bonne volonté sans la grâce de Dieu ; d’autant que tout bien naturel ou surnaturel vient de lui ; mais c’est toujours assez qu’il ne faut qu’avoir la volonté et qu’il est impossible que Dieu puisse demander une condition plus facile et plus raisonnable.

§ 41. Ph. Il y en a qui sont assez à leur aise pour avoir toutes les commodités propres à éclaircir leurs doutes ; mais ils sont détournés de cela par des obstacles pleins d’artifices, qu’il est assez facile d’apercevoir, sans qu’il soit nécessaire de les étaler en cet endroit. § 5. J’aime mieux parler de ceux qui manquent d’habileté pour faire valoir les preuves qu’ils ont pour ainsi dire sous la main, et qui ne sauraient retenir une longue suite de conséquences ni peser toutes les circonstances. Il y a des gens d’un seul syllogisme, et il y en a de deux seulement. Ce n’est pas le lieu ici de déterminer si cette imperfection vient d’une différence naturelle des âmes mêmes ou des organes, ou si elle dépend du défaut de l’exercice qui polit les facultés naturelles. Il nous suffit ici qu’elle est visible, et qu’on n’a qu’à aller du Palais ou de la Bourse aux hôpitaux et aux petites-maisons pour s’en apercevoir.

Th. Ce ne sont pas les pauvres seuls qui sont nécessitent ; ; il manque plus à certains riches qu’à eux, parce que ces riches demandent trop et se mettent volontairement dans une espèce d’indigence qui les empêche de vaquer aux considérations importantes. L’exemple y fait beaucoup. On s’attache à suivre celui de ses pareils qu’on est obligé de pratiquer sans faire paraître un esprit de contrariété, et cela j’ai ; aisément qu’on leur devient semblable. Il est bien difficile de contenter en même temps la raison et la coutume. Quant à ceux