Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/490

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
462
nouveaux essais sur l’entendement

deux vérités opposées, l’une philosophique et l’autre théologique, le dernier concile de Latran, sous Léon X, eut raison de s’y opposer comme je crois avoir déjà remarqué. Et une dispute toute semblable s’éleva à Helmstadt autrefois entre Daniel Hofmann[1], théologien, et Corneille Martin, philosophe, mais avec cette différence que le philosophe conciliait la philosophie, avec la révélation et que le théologien en voulait rejeter l’usage. Mais le duc Jules, fondateur de 1’Université, prononça pour le philosophe. Il est vrai que de notre temps une personne de la plus grande élévation disait qu’en matière de foi il fallait se crever les yeux pour voir clair, et Tertullien dit quelque part : « Ceci est vrai, car il est impossible ; il faut le croire, car c’est une absurdité. » Mais si l’intention de ceux qui, s’expliquent de cette manière est bonne, toujours les expressions sont outrées et peuvent faire du tort. Saint Paul parle plus juste lorsqu’il dit que la sagesse de Dieu est folie devant les hommes ; c’est parce que les hommes ne jugent des choses que suivant leur expérience, qui est extrêmement bornée, et tout ce qui n’y est point conforme leur paraît une absurdité. Mais ce jugement est fort téméraire, car il y a même une infinité de choses naturelles, qui nous passeraient pour absurdes, si on nous les racontait, comme la glace qu’on disait couvrir nos rivières le parut au roi de Siam. Mais l’ordre de la nature même, n’étant d’aucune nécessité métaphysique, n’est fondé que dans le bon plaisir de Dieu, de sorte qu’il s’en peut éloigner par des raisons supérieures de la grâce, quoiqu’il n’y faille point aller que sur des bonnes preuves, qui ne peuvent venir que du témoignage de Dieu lui-même, où l’on doit déférer absolument lorsqu’il est dûment vérifié.

Chap. XVIII. — De la foi et de la raison
et de leurs bornes distinctes
.

§ 1. Ph. Accommodons-nous cependant de la manière de parler reçue, et souffrons que dans un certain sens on distingue la foi de la raison. Mais il est juste qu’on explique bien nettement ce sens et


    vrages sont : Apologie pour les grands hommes soupçonnés de magie, Paris. 1625, in-8o ; et Considérations politiques sur les corps d’État, Rome, 1639, in-4o.

  1. Hofmann, théologien à Helmstadt, vivait vers 1677. P. J.