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nouveaux essais sur l’entendement

que les choses particulières qui soient l’objet immédiat de nos raisonnements et de nos connaissances ; elles ne roulent que sur la convenance des idées, dont chacune n’a qu’une existence particulière et ne représente qu’une chose singulière.

Th. Autant que vous concevez la similitude de choses, vous concevez quelque chose de plus, et l’universalité ne consiste qu’en cela. Toujours vous ne proposerez jamais aucun de nos arguments, sans y employer des vérités universelles. Il est bon pourtant de remarquer qu’on comprend (quant à la forme) les propositions singulières sous les universelles. Car, quoiqu’il soit vrai qu’il n’y a qu’un seul saint Pierre apôtre, on peut pourtant dire que quiconque a été saint Pierre l’apôtre a renié son Maître. Ainsi ce syllogisme : saint Pierre a renié son Maître (quoiqu’il n’ait que des propositions singulières) est jugé de les avoir universelles affirmatives, et le mode sera darapti de la troisième figure.

Ph. Je voulais encore vous dire qu’il me paraissait mieux de transposer les prémisses des syllogismes et de dire : tout A est B, tout B est C, donc tout A est C ; que de dire : tout B est C, tout A est B, donc tout Aest C. Mais il semble, par ce que vous avez dit, qu’on ne s’en éloigne pas et qu’on compte l’un et l’autre pour un même mode. Il est toujours vrai, comme vous avez remarqué que la disposition différente de la vulgaire est plus propre il faire un tissu de plusieurs syllogismes.

Th. Je suis tout à fait de votre sentiment. Il semble cependant qu’on a cru qu’il était plus didactique de commencer par des propositions universelles, telles que sont les majeures dans la première et dans la seconde figure ; et il y a encore des orateurs qui ont cette coutume. Mais la liaison paraît mieux comme vous le proposez. J’ai remarqué autrefois qu’Aristote peut avoir eu une raison particulière pour la disposition vulgaire. Car, au lieu de dire A est B, il a coutume de dire B est en A. Et de cette façon d’énoncer, la liaison même que vous demandez lui viendra dans la disposition reçue. Car au lieu de dire B est C, A est B, donc A est C ; il l’énoncera ainsi : C est en B, B est en A, donc C est en A. Par exemple, au lieu de dire : « le rectangle est isogone (ou à angles égaux), le carré est rectangle, donc le carré est isogone, » Aristote, sans transposer les propositions, conservera la place du milieu au terme moyen par cette manière dénoncer les propositions qui en renverse les termes, et il dira : l’isogone est dans le rectangle, le rectangle est dans le