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de la connaissance

propositions, il n’y en a qu’environ 14 de sûres. Mais Dieu a eu beaucoup plus de bonté pour les hommes ; il leur a donné un esprit capable de raisonner. Je ne dis point ceci pour rabaisser Aristote, que je regarde comme un des plus grands hommes de l’antiquité, que peu ont égale en étendue, en subtilité, en pénétration d’esprit et par la force du jugement, et qui, en cela même qu’il a invente ce petit système des formes de l’argumentation, a rendu un grand service aux savants contre ceux qui n’ont pas honte de nier tout. Mais cependant ces formes ne sont pas le seul ni le meilleur moyen de raisonner ; et Aristote ne les trouva pas par le moyen des formes mêmes, mais par la voie originale de la convenance manifeste des idées ; et la connaissance qu’on en acquiert par l’ordre naturel dans les démonstrations mathématiques paraît mieux sans le secours d’aucun syllogisme. Inférer est tirer une proposition comme véritable d’une autre déjà avancée pour véritable, en supposant une certaine connexion d’idées moyennes ; par exemple, de ce que les hommes seront punis en l’autre monde, on inféra qu’ils se peuvent déterminer ici eux-mêmes. En voici la liaison : « Les hommes seront punis et Dieu est celui qui punit ; donc la punition est juste : donc le puni est coupable ; donc il aurait pu faire autrement ; donc il a la liberté en lui ; donc enfin il à la puissance de se déterminer. » La liaison se voit mieux ici que s’il y avait cinq ou six syllogismes embrouillés, où les idées seraient transposées répétées et enchâssées dans les formes artificielles. Il s’agit de savoir quelle connexion a une idée moyenne avec les extrêmes dans le syllogisme : mais c’est ce que nul syllogisme ne peut montrer. C’est l’esprit qui peut apercevoir ces idées placées ainsi par une espèce de juxtaposition, et cela par sa propre vue. À quoi sert donc le syllogisme ? Il est d’usage dans les écoles, où l’on n’a pas la honte de nier la convenance des idées, qui conviennent visiblement. D’où vient que les hommes ne font jamais de syllogismes en eux-mêmes lorsqu’ils cherchent la vérité ou qu’ils l’enseignent à ceux qui désirent sincèrement de la connaître. Il est assez visible aussi que cet ordre est plus-naturel

Homme. — Animal — vivant,

c’est-à-dire l’homme est un animal, et l’animal est vivant, donc l’homme est vivant, que celui du syllogisme

Animal — vivant. Homme — animal. Homme - vivant,