Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/465

Cette page a été validée par deux contributeurs.
437
de la connaissance

savant, bien écrit, propre même au but de l’auteur, et excellent en son genre, mais qui ne contiendra guère d’enseignements utiles, par lesquels je n’entends pas ici de simples moralités, dont le Theatrum vitæ humanæ et tels autres florilèges sont remplis, mais des adresses et connaissances dont tout le monde ne s’aviserait pas au besoin. Je voudrais encore qu’on tirât des livres des voyages une infinité de choses de cette nature, dont on pourrait profiter, et qu’on les rangeât selon l’ordre des matières. Mais il est étonnant que, tant de choses utiles restant à faire, les hommes s’amusent presque toujours à ce qui est déjà fait, ou à des inutilités pures, ou du moins à ce qui est le moins important ; et je n’y vois guère de remède jusqu’à ce que le public s’en mêle davantage dans des temps plus tranquilles.

§ 12. Ph. Vos digressions donnent du plaisir et du profit. Mais des probabilités des faits venons à celles des opinions touchant les choses qui ne tombent pas sous les sens. Elles ne sont capables d’aucun témoignage, comme sur l’existence et la nature des esprits, anges, démons, etc., sur les substances corporelles, qui sont dans les planètes et dans d’autres demeures de ce vaste univers, enfin sur la manière d’opérer de la plupart des ouvrages de la nature, et de toutes ces choses nous ne pouvons avoir que des conjectures, où l’analogie est la grande règle de la probabilité. Car, ne pouvant point être attestées, elles ne peuvent paraître probables qu’en tant qu’elles conviennent plus ou moins avec les vérités établies. Un frottement violent de deux corps produisant de la chaleur et même du feu, les réfractions des corps transparents faisant paraître des couleurs, nous jugeons que le feu consiste dans une agitation violente des parties imperceptibles, et qu’encore les couleurs, dont nous ne voyons pas l’origine, viennent d’une semblable réfraction ; et trouvant qu’il y a une connexion graduelle dans toutes les parties de la création, qui peuvent être sujettes à l’observation humaine sans aucun vide considérable entre deux, nous avons tout sujet de penser que les choses s’élèvent aussi vers la perfection peu à peu et par des degrés insensibles. Il est malaisé de dire où le sensible et le raisonnable commence et quel est le plus bas degré des choses vivantes ; c’est comme la quantité augmente ou diminue dans un cône régulier. Il y a une différence excessive entre certains hommes et certains animaux brutes ; mais si nous voulons comparer l’entendement et la capacité de certains hommes et de certaines bêtes,