Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/462

Cette page a été validée par deux contributeurs.
434
nouveaux essais sur l’entendement

nisme sur le titre, qu’une mauvaise coutume a autorisé en Saxe), où la plupart des choses sont justifiées par les extraits d’une infinité de pièces, tirées des archives saxonnes, qu’il avait à sa disposition, quoique M.  de Meaux, qui y est attaqué et à qui je l’envoyai, me répondit seulement que ce livre est d’une horrible prolixité ; mais je souhaiterais qu’il fût deux fois plus grand sur le même pied. Plus il est ample, plus il devait donner de prise, puisqu’on n’avait qu’à choisir les endroits ; outre qu’il y a des ouvrages historiques estimés, qui sont bien plus grands. Au reste on ne méprise pas toujours les auteurs postérieurs au temps dont ils parlent, quand ce qu’ils rapportent est apparent d’ailleurs. Et il arrive quelquefois qu’ils conservent des morceaux des plus anciens. Par exemple, on a douté de quelle famille est Suibert, évêque de Bamberg, depuis pape sous le nom de Clément II. Un auteur anonyme de l’histoire de Brunswick, qui a vécu dans le XIVe siècle, avait nommé sa famille, et des personnes savantes dans notre histoire n’y avaient point voulu avoir égard : mais j’ai eu une chronique beaucoup plus ancienne non encore imprimée, où la même chose est dite avec plus de circonstances, d’où il paraît qu’il était de la famille des anciens seigneurs allodiaux de Hornbourg (guère loin de Wolfenbuttel) dont le pays fut donné par le dernier possesseur à l’église cathédrale de l’Halberstadt.

§ 11. Ph. Je ne veux pas aussi qu’on croie que j’ai voulu diminuer l’autorité de l’usage de l’histoire par ma remarque. C’est de cette source que nous recevons avec une évidence convaincante une grande partie de nos vérités utiles. Je ne vois rien de plus estimable que les mémoires qui nous restent de l’antiquité, et je voudrais que nous en eussions un plus grand nombre et de moins corrompus. Mais il est toujours vrai que nulle copie ne s’élève au-dessus de la certitude de son premier original.

Th. Il est sûr que, lorsqu’on a un seul auteur de l’antiquité pour garant d’un fait, tous ceux qui l’ont copié n’y ajoutent aucun poids, ou plutôt doivent être comptés pour rien. Et ce doit être tout autant que si ce qu’ils disent était du nombre τῶν ἅπαξ λεγομένων, des choses qui n’ont été dites qu’une seule fois, dont M.  Ménage voulait faire un livre. Et encore aujourd’hui, quand cent mille petits écrivains répéteraient les médisances de Bolsec[1] (par exemple), un homme

  1. Bolsec (Jérôme), né à Paris, carmélite devenu protestant, a écrit l’histoire de la vie, mœurs, actes, doctrine et mort de Jean Calvin, Paris, 1577.