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de la connaissance

Suède en France, piqué apparemment par je ne sais quoi contre la mémoire de cet illustre ami de son père, j’ai vu que quantité d’auteurs les ont répétées à l’envi, quoique les négociations et lettres de ce grand homme fassent assez connaître le contraire. On s’émancipe même d’écrire des romans dans l’histoire, et celui qui a fait la dernière Vie de Cromwell a cru que pour égayer la matière il lui était permis en parlant de la vie encore privée de cet habile navigateur, de le faire voyager en France, où il le suit dans les auberges de Paris, comme s’il avait été son gouverneur. Cependant il paraît, par l’histoire de Cromwell, faite par Carrington, homme informé, et dédiée à Richard, son fils, quand il faisait encore le protecteur, que Cromwell n’est jamais sorti des îles Britanniques. Le détail surtout est peu sûr. On n’a presque point de bonnes relations des batailles. La plupart de celles de Tite-Live paraissent imaginaires, autant que celles de Quinte-Curce. Il faudrait avoir de part et d’autre les rapports de gens exacts et capables qui en dressassent même des plans, semblables ceux que le comte de Dahlberg, qui avait déjà servi avec distinction sous le roi de Suède Charles-Gustave, et qui étant gouverneur général de la Livonie a défendu Riga dernièrement, a fait graver touchant les actions et batailles de ce prince. Cependant il ne faut point d’abord décrier un bon historien sur un mot de quelque prince ou ministre, qui se récrie contre lui en quelque occasion, ou sur quelque sujet qui n’est pas à son gré et où véritablement il y a peut-être quelque faute. On rapporte que Charles-Quint, voulant se faire lire quelque chose de Sleidan disait : « Apportez-moi mon menteur, » et que Carlowiz, gentilhomme saxon fort employé dans ce temps-là, disait que l’histoire de Sleidan détruisait dans son esprit toute la bonne opinion qu’il avait eue des anciennes histoires. Cela, dis-je, ne sera d’aucune force dans l’esprit des personnes informées pour renverser l’autorité de l’histoire de Sleidan, dont la meilleure partie est un tissu d’actes publics des diètes et assemblées et des écrits autorisés par les princes. Et quand resterait le moindre scrupule la-dessus, il vient d’être levé par l’excellente histoire de mon illustre ami, feu M.  Seckendorf[1] (dans lequel je ne puis m’empêcher pourtant de désapprouver le nom du luthéra-

  1. Seckendorf (de), célèbre historien allemand, né à Herzagen-Anspach en Franconie en 1626, mort en 1692. Son ouvrage le plus important (auquel, Leibniz fait ici allusion) est son Commentarius historicus et apologeticus de lutheranismo, en réponse à l’Histoire du luthéranisme, du P.  Mainbourg.