par la bonne morale et par la vraie religion, que la raison naturelle même nous enseigne. Les meilleurs du caractère opposé, qui commence de régner, n’ont plus d’autre principe que celui qu’ils appellent de l’honneur. Mais la marque de l’honnête homme et de l’homme d’honneur chez eux est seulement de ne faire aucune bassesse comme ils la prennent. Et si, pour la grandeur ou par caprice, quelqu’un versait un déluge de sang, s’il renversait tout sens dessus dessous, on compterait cela pour rien, et un Êrostrate des anciens ou bien un Don Juan dans le Festin de Pierre passerait pour un héros. On se moque hautement de l’amour de la patrie, on tourne en ridicule ceux qui ont soin du public, et, quand quelque homme bien intentionné parle de ce que deviendra la postérité, on répond : alors comme alors. Mais il pourra arriver à ces personnes d’éprouver eux-mêmes les maux qu’ils croient réservés à d’autres. Si l’on se corrige encore de cette maladie d’esprit épidémique, dont les mauvais effets commencent à être visibles, ces maux peut-être seront prévenus ; mais si elle va croissant, la Providence corrigera les hommes par la révolution même qui en doit naître : car, quoi qu’il puisse arriver, tout tournera toujours pour le mieux en général au bout du compte, quoique cela ne doive et ne puisse arriver sans le châtiment de ceux qui ont contribué même au bien par leurs actions mauvaises. Mais je reviens d’une digression où la considération des opinions nuisibles et du droit de les blâmer m’a mené. Or, comme en théologie les censures vont encore plus loin qu’ailleurs, et que ceux qui font valoir leur orthodoxie condamnent souvent les adversaires, à quoi s’opposent dans le parti même ceux qui sont appelés syncrétistes par leurs adversaires, cette opinion a fait naître des guerres civiles entre les rigides et les condescendants dans un même parti. Cependant, comme refuser le salut éternel a ceux qui sont d’une autre opinion est entreprendre sur les droits de Dieu, les plus sages des condamnants ne l’entendent que du péril où ils croient voir les âmes errantes, et ils abandonnent à la miséricorde singulière de Dieu ceux dont la méchanceté ne les rend pas incapables d’en profiter, et de leur côté ils se croient obligés à faire tous les efforts imaginables pour les retirer d’un état si dangereux. Si ces personnes, qui jugent ainsi du péril des autres, sont parvenues à cette opinion après un examen convenable et s’il n’y a pas moyen de les en désabuser, on ne saurait blâmer leur conduite, tant qu’ils n’usent que des voies de douceur. Mais aussitôt qu’ils vont plus loin, c’est violer les lois de
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nouveaux essais sur l’entendement