Mais ce n’est pas de quoi il s’agit ici, car ces vérités ne sont point connues par la liaison des idées.
Ph. Voici la manière par laquelle notre ingénieux auteur conçoit que le besoin des maximes a été introduit. Les écoles ayant établi la dispute comme pierre de touche de l’habileté des gens, elles adjuraient la victoire à celui à qui le champ de bataille demeurait, et qui parlait le dernier. Mais, pour donner le moyen de convaincre les opiniâtres, il fallait établir les maximes.
Th. Les écoles de philosophie auraient mieux fait sans doute de joindre la pratique à la théorie, comme font les écoles de médecine, de chimie et de mathématiques, et de donner le prix à celui qui aurait le mieux fait, surtout en morale, plutôt qu’à celui qui aurait le mieux parlé. Cependant, comme il y a des matières où le discours même est un effet et quelquefois le seul effet et chef-d’œuvre qui peut faire connaître l’habileté d’un homme, comme dans les matières métaphysiques, on a eu raison en quelques rencontres de juger de l’habilelé des gens par le succès qu’ils ont eu dans les conférences. L’on sait même qu’au commencement de la réformation les protestants ont provoqué leurs adversaires à venir à des colloques et disputes ; et quelquefois, sur le succès de ces disputes, le public a conclu pour la réforme. L’on sait aussi combien l’art de parler et de donner du jour et de la force aux raisons, et si l’on le peut appeler ainsi, l’art de disputer, peut dans un conseil d’État et de guerre, dans une cour de justice, dans une consultation de médecine, et même dans une conversation. Et l’on est obligé de recourir à ce moyen, et de se contenter des paroles au lieu des faits dans ces rencontres, par cette raison même qu’il s’agit alors d’un événement ou d’un fait futur, où il serait trop tard d’apprendre la vérité par l’effet. Ainsi l’art de disputer ou de combattre par raisons, où je comprends ici l’allégation des autorités et des exemples, est très grand et très important ; mais, par malheur, il est fort mal réglé, et c’est aussi pour cela que souvent on ne conclut rien ou qu’on conclut mal. C’est pourquoi j’ai eu plus d’une fois le dessein de faire des remarques sur les colloques des théologiens, dont nous avons des relations, pour montrer les défauts qui s’y peuvent remarquer, et les remèdes qu’on y pourrait employer. Dans des consultations sur les affaires, si ceux qui ont le plus de pouvoir n’ont pas l’esprit fort solide, l’autorité ou l’éloquence l’emportent ordinairement quand elles sont bandées contre la vérité. En un mot, l’art de conférer et de disputer