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de la connaissance

manière imperceptible pour punir l’enfant s’il a été méchant, comme l’eau se change en vin chez nous la veille de Noël, s’il a été bien morigéné. Mais toujours la douleur, direz-vous, que la verge imprime, ne sera jamais le plaisir que donne le sucre. Je réponds que l’enfant s’avisera aussi tard d’en faire une proposition expresse que de remarquer cet axiome « qu’on ne saurait dire véritablement que ce qui est n’est pas en même temps, » quoi qu’il puisse fort bien s’apercevoir de la différence du plaisir et de la douleur, aussi bien que la différence entre apercevoir et ne pas apercevoir.

§ 10. Ph. Voici cependant quantité d’autres vérités qui sont autant évidentes par elles-mêmes que ces maximes. Par exemple, « qu’un et deux sont égaux à trois, » c’est une proposition aussi évidente que cet axiome qui dit que « le tout est égal à toutes ses parties prises ensemble ».

Th. Vous paraissez avoir oublié, Monsieur, comment je vous ai fait voir plus d’une fois que de dire « un et deux est trois », n’est que la définition du terme de trois ; de sorte que de dire « qu’un et deux est égal à trois », est autant que dire « qu’une chose est égale à elle-même ». Pour ce que est de cet axiome, « que le tout est égal à toutes ses parties prises ensemble », Euclide ne s’en sert point expressément. Aussi cet axiome a-t-il besoin de limitation, car il faut ajouter que ces parties ne doivent pas avoir elles-mêmes de partie commune : car 7 et 8 sont parties de 12, mais elles composent plus que 12. Le buste et le tronc pris ensemble sont plus que l’homme, en ce que le thorax, est commun à tous les deux. Mais Euclide dit que le tout est plus grand que sa partie, ce qui n’est point sujet à caution. Et dire que le corps est plus grand que le tronc ne diffère de l’axiome d’Euclide qu’en ce que cet axiome se borne a ce qu’il faut précisément : mais, en l’exemplifiant et revêtissant de corps, on fait que l’intelligible devient encore sensible, car dire : un tel tout est plus grand que sa partie telle, c’est en effet la proposition qu’un tout est plus grand que sa partie, mais dont les traits sont chargés de quelque enluminure ou addition ; c’est comme qui dit AB dit A. Ainsi il ne faut point opposer ici l’axiome et l’exemple comme de différentes vérités à cet égard, mais considérer l’axiome comme incorporé dans l’exemple et rendant l’exemple véritable. Autre chose est quand l’évidence ne se remarque pas dans l’exemple même, et que l’affirmation de l’exemple est une conséquence et non seulement une subsomption de la proposition uni-