Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/400

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
372
nouveaux essais sur l’entendement

Th. Qu’un et un font deux, ce n’est pas une vérité proprement, mais c’est la définition de deux, quoiqu’il y ait cela de vrai et d’évident que c’est la définition d’une chose possible. Pour ce qui est de l’axiome d’Euclide appliqué aux doigts de la main, je veux accorder qu’il est aussi aisé de concevoir ce que vous dites des doigts, que de le voir d’A et B ; mais pour ne pas faire souvent la même chose, on le marque généralement, et après cela, il suffit de faire des subsomptions. Autrement, c’est comme si l’on préférait le calcul en nombres particuliers aux règles universelles ; ce qui serait moins obtenir qu’on ne peut. Car il vaut mieux de résoudre ce problème général, « trouver deux nombres dont la somme fasse un nombre donné, et dont la différence fasse aussi un nombre donné, » que de chercher seulement deux nombres, dont la somme fasse 10, et dont la différence tasse 6. Car si je procède dans ce second problème à la mode de l’algèbre numérique, mêlé de la spécieuse, le calcul sera tel : soit , et  ; dont, en ajoutant ensemble le côté droit au droit et le côté gauche au gauche, je fais qu’il en vient , c’est-à-dire (puisque et se détruisent) , ou . Et en soustrayant le côté droit du droit et le gauche du gauche (puisque ôter , et ajouter ) je fais qu’il en vient , c’est-à-dire , ou . Ainsi j’aurai à la vérité les a et b que je demande, qui sont 8 et 2 qui satisfont à la question, c’est-à-dire dont la somme fait 10 et dont la différence fait 6 ; mais je n’ai pas par là la méthode générale pour quelques autres nombres qu’on voudra ou qu’on pourra mettre au lieu de 10 ou 6 ; méthode que je pouvais pourtant trouver avec la même facilite que ces deux nombres 8 et 2, en y mettant et au lieu des nombres 10 et 6. Car en procédant de même qu’auparavant, il y aura , c’est-à-dire , ou , , et il y aura encore , c’est-à-dire ou , . Et ce calcul donne ce théorème ou canon général, que « lorsqu’on demande deux nombres, dont la somme et la différence sont données, on n’a qu’à prendre pour le plus grand des nombres demandés la moitié de la somme faite de la somme et la différence données, et pour le moindre des nombres demandés la moitié de la différence entre la somme et la différence données. » On voit aussi que j’aurais pu me passer des lettres, si j’avais traité les nombres comme lettres, c’est-à-dire si au lieu de mettre , et j’avais écrit et ,