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réflexions sur l’essais de locke

III. — Échantillon de réflexions sur le livre II.

Il est très vrai que nos perceptions des idées viennent ou des sens extérieurs ou du sens interne qu’on peut appeler réflexion ; mais cette réflexion ne se borne pas aux seules opérations de l’esprit, comme il est dit chapitre 1, paragraphe 4, elle va jusqu’à l’esprit lui-même, et c’est en s’apercevant de lui que nous nous apercevons de la substance.

J’avoue que je suis du sentiment de ceux qui croient que l’âme pense toujours, quoique ses pensées soient souvent trop confuses et trop faibles pour qu’elle s’en puisse souvenir distinctement. Je crois d’avoir des preuves certaines de l’action continuelle de l’âme, et même je crois que le corps ne saurait jamais être sans mouvement. Les objections faites par l’auteur (I. II, ch. 1, § 10, jusqu’à 19) se peuvent résoudre facilement par ce qu’on vient de dire ou qu’on va dire. On se fonde sur l’expérience du sommeil qui est quelquefois sans aucun songe : et en effet, il y a des personnes qui ne savent ce que c’est que songer. Cependant, il n’est pas toujours sûr de nier tout ce dont on ne s’aperçoit point. Et c’est in peu près comme lorsqu’il y a des gens qui nient les petits corps et les mouvements insensibles et se moquent des particules, parce qu’on ne les saurait montrer. Mais on me dira qu’il y a des preuves qui nous forcent de les admettre. Je réponds qu’il y en a de même qui nous obligent d’admettre des perceptions qui ne sont pas assez notables pour qu’on s’en souvienne. L’expérience encore favorise ce sentiment : par exemple, ceux qui ont dormi dans un lieu froid, remarquent d’avoir eu quelque sentiment confus et faible en dormant. Je connais une personne qui s’éveille quand la lampe qu’elle tient toujours allumée la nuit dans sa chambre cesse d’éclairer. Mais voici quelque chose de plus précis et qui fait voir que, si on n’avait point toujours des perceptions, on ne pourrait jamais être réveillé du sommeil. Qu’un homme qui dort soit appelé par plusieurs à la fois, et qu’on suppose que la voix de chacun à part ne soit pas assez forte pour l’éveiller, mais que le bruit de toutes ces voix ensemble l’éveille ; prenons-en une : il faut bien qu’il ait été touche de cette voix en particulier, car les parties sont dans le tout, et si chacune à part ne fait rien du tout, le tout ne fera rien non plus. Cependant il aurait