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de la connaissance

autrement que par une manière d’imprimerie, c’est-à-dire ayant des figures gravées toutes prêtes pour les imprimer sur du papier, et y ajoutant par après avec la plume les marques des flexions ou des particules. Mais avec le temps tout le monde apprendrait le dessin dès la jeunesse, pour n’être point privé de la commodité de ce caractère figuré qui parlerait véritablement aux yeux, et qui serait fort au gré du peuple, comme en effet les paysans ont déjà certains almanachs qui leur disent sans paroles une bonne partie de ce qu’ils demandent : et je me souviens d’avoir vu des imprimés satiriques en taille-douce, qui tenaient un peu de l’énigme, où il y avait des figures signifiantes par elles-mêmes, mêlées avec des paroles, au lieu que nos lettres et les caractères chinois ne sont significatifs que par la volonté des hommes (ex instituto).

§ 3. Ph. Je crois que votre pensée s’exécutera un jour, tant cette écriture me paraît agréable et naturelle : et il semble qu’elle ne serait pas de petite conséquence pour augmenter la perfection de notre esprit et pour rendre nos conceptions plus réelles. Mais pour revenir aux connaissances générales et à leur certitude, il sera à propos de remarquer qu’il y a certitude de vérité et qu’il y a aussi certitude de connaissance. Lorsque les mots sont joints de telle manière dans des propositions qu’ils expriment exactement la convenance ou la disconvenance telle qu’elle est réellement, c’est une certitude de vérité ; et la certitude de connaissance consiste à apercevoir la convenance ou la disconvenance des idées, en tant qu’elle est exprimée dans des propositions. C’est ce que nous appelons ordinairement être certain d’une proposition.

Th. En effet cette dernière sorte de certitude suffira encore sans l’usage des mots, et n’est autre chose qu’une parfaite connaissance de la vérité ; au lieu que la première espèce de certitude ne parait être autre chose que la vérité même.

§ 4. Ph. Or, comme nous ne saurions être assurés de la vérité d’aucune proposition générale, à moins que nous ne connaissions les bornes précises de la signification des termes dont elle est composée, il serait nécessaire que nous connussions l’essence de chaque espèce, ce qui n’est pas malaisé à l’égard des idées simples et des modes. Mais dans les substances, où une essence réelle, distincte de la nominale, est supposée déterminer les espèces, l’étendue du terme général est fort incertaine, parce que nous ne connaissons pas cette essence réelle ; et par conséquent dans ce sens nous ne sau-