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nouveaux essais sur l’entendement

cette démonstration. Ainsi il y a de l’invention encore en cela : et chez les géomètres, il y en avait plus autrefois qu’il n’y en a maintenant. Car, lorsque l’analyse était moins cultivée, il fallait plus de sagacité pour y arriver, et c’est pour cela qu’encore quelques géomètres de la vieille roche, ou d’autres qui n’ont pas assez d’ouverture dans les nouvelles méthodes, croient d’avoir fait merveille quand ils trouvent la démonstration de quelque théorème que d’autres ont inventé. Mais ceux qui sont versés dans l’art d’inventer savent quand cela est estimable ou non ; par exemple, si quelqu’un publie la quadrature d’un espace compris d’une ligne courbe et d’une droite, qui réussit dans tous ses segments et que j’appelle générale, il est toujours en notre pouvoir, suivant nos méthodes, d’en trouver la démonstration pourvu qu’on en veuille prendre la peine. Mais il y a des quadratures particulières de certaines portions, où la chose pourra être si enveloppée, qu’il ne sera pas toujours in potestate jusqu’ici de la développer. Il arrive aussi que l’induction nous présente des vérités dans les nombres et dans les figures dont on n’a pas encore découvert la raison générale. Car il s’en faut beaucoup qu’on soit parvenu à la perfection de l’analyse en géométrie et en nombres, comme plusieurs se sont imaginés sur les gasconnades de quelques hommes excellents d’ailleurs, mais un peu trop prompts ou trop ambitieux. Mais il est bien plus difficile de trouver des vérités importantes, et encore plus de trouver les moyens de faire ce qu’on cherche lors justement qu’on le cherche, que de trouver la démonstration des vérités qu’un autre a découvertes. On arrive souvent à de belles vérités, par la synthèse, en allant du simple au composé ; mais, lorsqu’il s’agit de trouver justement le moyen de faire ce qui se propose, la synthèse ne suffit pas ordinairement, et souvent ce serait la mer à boire que de vouloir faire toutes les combinaisons requises quoiqu’on puisse souvent s’y aider par la méthode des exclusions, qui retranche une bonne partie des combinaisons inutiles, et souvent la nature n’admet point d’autre méthode. Mais on n’a pas toujours les moyens de bien suivre celle-ci. C’est donc à l’analyse de nous donner un fil dans ce labyrinthe lorsque cela se peut, car il y a des cas où la nature même de la question exige qu’on puisse tâtonner partout, les abrégés n’étant pas toujours possibles.

§ 8. Ph. Or, comme en démontrant l’on suppose toujours les connaissances intuitives, cela, je pense, a donné occasion à cet