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nouveaux essais sur l’entendement

Th. Je crois qu’on peut dire que la liaison n’est autre chose que le rapport ou la relation, prise généralement. Et j’ai fait remarquer ci-dessus que tout rapport est ou de comparaison ou de concours. Celui de comparaison donne la diversité et l’identité, ou en tout, ou en quelque chose ; ce qui fait le même ou le divers, le semblable ou dissemblable. Le concours contient ce que vous appelez coexistence, c’est-à-dire connexion d’existence, Mais, lorsqu’on dit qu’une chose existe ou qu’elle a l’existence réelle, cette existence même est le prédicat, c’est-à-dire, elle a une notion liée avec l’idée dont il s’agit, et il y a connexion entre ces deux notions. On peut aussi concevoir l’existence de l’objet d’une idée, comme le concours de cet objet avec moi. Ainsi je crois qu’on peut dire qu’il n’y a que comparaison ou concours ; mais que la comparaison, qui marque l’identité ou diversité, et le concours de la chose avec moi, sont les rapports qui méritent d’être distingués parmi les autres. On pourrait faire peut-être des recherches plus exactes et plus profondes ; mais je me contente ici de faire des remarques.

§ 8. Ph. Il y a une connaissance actuelle qui est la perception présente du rapport des idées, et il y en a une habituelle, lorsque l’esprit s’est aperçu si évidemment de la convenance ou disconvenance des idées, et l’a placée de telle manière dans sa mémoire, que toutes les fois qu’il vient à réfléchir sur la proposition, il est assuré d’abord de la vérité qu’elle contient, sans douter le moins du monde. Car, n’étant capable de penser clairement et distinctement qu’à une seule chose à la fois, si les hommes ne connaissaient que l’objet actuel de leurs pensées, ils seraient tous fort ignorant ; et celui qui connaîtrait le plus ne connaîtrait qu’une seule vérité.

Th. Il est vrai que notre science, même la plus démonstrative, se devant acquérir fort souvent par une longue chaîne de conséquences, doit envelopper le souvenir d’une démonstration passée qu’on envisage plus distinctement quand la conclusion est faite ; autrement ce serait répéter toujours cette démonstration. Et même, pendant qu’elle dure, on ne la saurait comprendre tout entière à la fois ; car toutes ses parties ne sauraient être en même temps présentes à l’esprit ; ainsi se remettant toujours devant les yeux la partie qui précède, on n’avancerait jamais jusqu’à la dernière qui achève la conclusion. Ce qui fait aussi que sans l’écriture, il serait difficile de bien établir les sciences, la mémoire n’étant pas assez sûre. Mais, ayant mis par écrit une longue démonstration, comme sont par