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nouveaux essais sur l’entendement

Th. Quiconque fait une combinaison possible ne se trompe point en cela, ni en lui donnant un nom ; mais il se trompe quand il croit que ce qu’il conçoit est tout ce que d’autres plus experts conçoivent sous le même nom, ou dans le même corps. Il conçoit peut-être un genre trop commun au lieu d’un autre plus spécifique. Il n’y a rien en tout ceci qui soit opposé aux écoles, et je ne vois point pourquoi vous revenez à la charge ici contre les genres, les espèces et les formes, puisqu’il faut que vous reconnaissiez vous-même des genres, des espèces, et même des essences internes ou formes, qu’on ne prétend point employer pour connaître la nature spécifique de la chose, quand on avoue de les ignorer encore.

§ 30. Ph. Il est du moins visible que les limites que nous assignons aux espèces, ne sont pas exactement conformes à celles qui ont été établies par la nature. Car dans le besoin que nous avons des noms généraux pour l’usage présent, nous ne nous mettons point en peine de découvrir leurs qualités qui nous feraient mieux connaître leurs différences et conformités les plus essentielles : et nous les distinguons nous-mêmes en espèces, en vertu de certaines apparences qui frappent les yeux de tout le monde, afin de pouvoir plus aisément communiquer avec les autres.

Th. Si nous combinons des idées compatibles, les limites que nous assignons aux espèces sont toujours exactement conformes a la nature ; et, si nous prenons garde à combiner les idées qui se trouvent actuellement ensemble, nos notions sont encore conformes à l’expérience ; et, si nous les considérons comme provisionnelles seulement pour des corps effectifs, sauf à l’expérience faite ou à faire d’y découvrir davantage, et si nous recourons aux experts, lorsqu’il s’agit de quelque chose de précis à l’égard de ce qu’on entend publiquement par le nom ; nous ne nous y tromperons pas. Ainsi la nature peut fournir des idées plus parfaites et plus commodes, mais elle ne donnera point un démenti à celles que nous avons, qui sont bonnes et naturelles, quoique ce ne soient peut-être pas les meilleures et les plus naturelles.

§ 32. Ph. Nos idées génériques des substances, comme celle du métal par exemple, ne suivent pas exactement les modèles qui leur sont proposes par la nature, puisqu’on ne saurait trouver aucun corps qui renferme simplement la malléabilité et la fusibilité sans d’autres qualités.

Th. On ne demande pas de tels modèles, et on n’aurait pas raison