Page:Œuvres philosophiques de Leibniz, Alcan, 1900, tome 1.djvu/286

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
258
nouveaux essais sur l’entendement

tions ne sont que provisionnelles, comme je crois avoir déjà remarqué ci-dessus. Il est donc vrai que nous ne savons pas démonstrativement s’il ne se peut qu’une couleur puisse être engendrée par la seule réflexion sans réfraction, et que les couleurs que nous avons remarquées jusqu’ici dans la concavité de l’angle de réfraction ordinaire se trouvent dans la convexité d’une manière de réfraction inconnue jusqu’ici, et vice versa. Ainsi l’idée simple du bleu serait dépouillée du genre que nous lui avons assigné sur nos expériences. Mais il est bon de s’arrêter au bleu que nous avons et aux circonstance qui l’accompagnent. Et c’est quelque chose qu’elles nous fournissent de quoi faire des genres et des espèces.

§ 17. Ph. Mais que dites-vous de la remarque qu’on a faite que les idées simples étant prises de l’existence des choses ne sont nullement arbitraires ; au lieu que celles des modes mixtes le sont tout à fait et celles des substances en quelque façon ?

Th. Je crois que l’arbitraire se trouve seulement dans les mots et nullement dans les idées. Car elles n’expriment que des possibilités ; ainsi, quand il n’y aurait jamais eu de parricide et quand tous les législateurs se fussent aussi peu avisés que Solon d’en parler, le parricide serait un crime possible, et son idée serait réelle. Car les idées sont en Dieu de toute éternité, et même elles sont en nous avant que nous y pensions actuellement, comme j’ai montré dans nos premières conversations. Si quelqu’un les veut prendre pour des pensées actuelles des hommes, cela lui est permis ; mais il s’opposera sans sujet au langage reçu.

Chap. V. — Des noms des idées mixtes et des relations.

§§ 2, 3 sqq. Ph. Mais l’esprit ne forme-t-il pas les idées mixtes en assemblant les idées simples comme il le juge à propos, sans avoir besoin de modèle réel ; au lieu que les idées simples lui viennent sans choix par l’existence réelle des choses ? Ne voit-il pas souvent l’idée mixte avant que la chose existe ?

Th. Si vous prenez les idées pour les pensées actuelles, vous avez raison. Mais je ne vois point qu’il soit besoin d’appliquer votre distinction à ce qui regarde la forme même ou la possibilité de ces pen-