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des mots

cette énumération. Mais quoique la voie la plus courte de définir soit par le moyen du genre et de la différence, comme parlent les logiciens, on peut douter, à mon avis, qu’elle soit la meilleure : du moins elle n’est pas l’unique. Dans la définition qui dit que l’homme est un animal raisonnable (définition qui peut-être n’est pas la plus exacte, mais qui sert assez bien au présent dessein), au lieu du mot animal on pourrait mettre sa définition. Ce qui fait voir le peu de nécessité de la règle, qui veut qu’une définition doit être composée de genre et de différence et le peu d’avantage qu’il y a à l’observer exactement. Aussi les langues ne sont pas toujours formées selon les règles de la logique, en sorte que la signification de chaque terme puisse être exactement et clairement exprimée par deux autres termes. Et ceux qui ont fait cette règle ont eu tort de nous donner si peu de définitions qui y soient conformes.

Th. Je conviens de vos remarques ; il serait pourtant avantageux pour bien des raisons que les définitions puissent être de deux termes : cela sans doute abrégerait beaucoup, et toutes les divisions pourraient être réduites à des dichotomies, qui en sont la meilleure espèce, et servent beaucoup pour l’invention, le jugement et la mémoire. Cependant je ne crois pas que les logiciens exigent toujours que le genre ou la différence soit exprimée en un seul mot ; par exemple le terme polygone régulier peut passer pour le genre du carré, et dans la figure du cercle le genre pourra être une figure plane curviligne, et la différence serait celle dont les points de la ligne ambiante soient également distants d’un certain point comme centre. Au reste, il est encore bon de remarquer que bien souvent le genre pourra être changé en différence, et la différence en genre. Par exemple, le carré est un régulier quadrilatéral, ou bien un quadrilatère régulier, de sorte qu’il semble que le genre ou la différence ne différent que comme le substantif et l’adjectif ; comme si au lieu de dire que l’homme est un animal raisonnable, la langue permettait de dire que l’homme est un rational animable, c’est-à-dire une substance raisonnable douée d’une nature animale, au lieu que les génies sont des substances raisonnables, dont la nature n’est point animale, ou commune avec les bêtes. Et cet échange des genres et des différences dépend de la variation de l’ordre des sous-divisions.

§ 11. Ph. Il s’ensuit de ce que je venais de dire, que ce qu’on appelle général et universel n’appartient point à l’existence des