un corps similaire par rapport aux sens, mais doué de perception et de motion volontaire, etc.
Th. De cette manière, prenant le terme de réel et de chimérique autrement par rapport aux idées des modes que par rapport à celles qui forment une chose substantielle, je ne vois point qu’elle notion commune à l’un et à l’autre cas vous donnez aux idées réelles ou chimériques ; car les modes vous sont réels quand ils sont possibles, et les choses substantielles n’ont des idées réelles chez vous que lorsqu’elles sont existantes. Mais en voulant se rapporter à l’existence, on ne saurait guère déterminer si une idée est chimérique ou non, parce que ce qui est possible, quoiqu’il ne se trouve pas dans le lieu ou dans le temps où nous sommes, peut avoir existé autrefois ou existera peut-être un jour, ou pourra même se trouver déjà présentement dans un autre monde, ou même dans la nôtre, sans qu’on le sache, comme l’idée que Démocrite avait de la voie lactée que les télescopes ont vérifiée ; de sorte qu’il semble que le meilleur est de dire que les idées possibles deviennent seulement chimériques, lorsqu’on y attache sans fondement l’idée de l’existence effective, comme font ceux qui se promettent la pierre philosophale, ou comme feraient ceux qui croiraient qu’il y a une nation de centaures. Autrement, en ne se réglant que sur l’existence on s’écartera sans nécessité du langage reçu, qui ne permet point qu’on dise que celui qui parle en hiver de roses ou d’œillets, parle d’une chimère, à moins qu’il ne s’imagine de les pouvoir trouver dans son jardin, comme on le raconte d’Albert le Grand[1] ou de quelque autre magicien prétendu.
Chap. XXXI. — Des idées complètes et incomplètes.
§ 1. Ph. Les idées réelles sont complètes lorsqu’elles représentent parfaitement les originaux d’où l’esprit suppose qu’elles sont tirées, qu’elles représentent et auxquelles il les rapporte. Les idées incomplètes n’en représentent qu’une partie. § 2. Toutes nos idées simples
- ↑ Albert le Grand, célèbre philosophe du moyen âge, né en 1193 ou 1205, à Lavingen en Souabe, enseigna avec un immense succès dans beaucoup de villes, entre autres à Strasbourg, Cologne et Paris, mort en 1280. Ses œuvres complètes ont été publiées en 21 volumes, à Cologne, en 1621. Ses principaux ouvrages sont : Commentaires sur Aristote, Commentaires sur les livres saints,