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nouveaux essais sur l’entendement

lant des châtiments en général, s’il est absolument nécessaire que ceux qui souffrent en apprennent eux-mêmes un jour la raison, et s’il ne suffirait pas bien souvent que d’autres esprits plus informés y trouvassent matière de glorifier la justice divine. Cependant il est plus vraisemblable que les souffrants en sauront le pourquoi, au moins en général.

§ 29. Ph. Peut-être qu’au bout du compte vous pourriez vous accorder avec mon auteur, qui conclut son chapitre de l’identité, en disant que la question, si le même homme demeure, est une question de nom, selon qu’on entend par l’homme ou le seul esprit raisonnable, ou le seul corps de cette forme qui s’appelle humaine, ou enfin l’esprit uni à un tel corps. Au premier cas, l’esprit séparé (au moins du corps grossier) sera encore l’homme ; au second un orang-outang, parfaitement semblable à nous, la raison exceptée, serait un homme et si l’homme était privé de son âme raisonnable et recevait une âme de bête, il demeurerait le même homme. Au troisième cas, il faut que l’un et l’autre demeurent avec l’union, le même esprit et le corps aussi même en partie, ou du moins l’équivalent, quant à la forme corporelle sensible. Ainsi on pourrait demeurer le même être physiquement ou moralement, c’est-à-dire la même personne sans demeurer homme, en cas qu’on considère cette figure comme essentielle à l’homme suivant ce dernier sens.

Th. J’avoue qu’en cela il y a question de nom ; et dans le troisième sens, c’est comme le même animal est tantôt chenille ou ver à soie, et tantôt papillon, et comme quelques-uns se sont imaginés que les anges de ce monde ont été hommes dans un monde passé. Mais nous nous sommes attachés, dans cette conférence, à des discussions plus importantes que celles de la signification des mots. Je vous ai montré la source de la vraie identité physique ; j’ai fait voir que la morale n’y contredit pas, non plus que le souvenir ; qu’elles ne sauraient toujours marquer l’identité physique à la personne même dont il s’agit, ni à celles qui sont en commerce avec elle ; mais que cependant elles ne contredisent jamais à l’identité physique, et ne font jamais un divorce entier avec elle ; qu’il y a toujours des esprits crées qui connaissent ou peuvent connaître ce qui en est : mais qu’il y a lieu de juger que ce qu’il y a d’infférent à l’égard des personnes mêmes ne peut l’être que pour un temps.