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des idées

on l’attribue encore aux écrivains qui disent la vérité sans crainte, quoique alors, ne parlant pas devant les gens, ils n’aient point sujet d’être décontenancés.

§ 11. Ph. Comme la puissance est la source d’où procèdent toutes les actions, on donne le nom de cause aux substances où ces puissances résident, lorsqu’elles réduisent leur puissance en acte ; et on nomme effets les substances produites par ce moyen, ou plutôt les idées simples (c’est-à-dire les objets des idées simples) qui, par l’exercice de la puissance, sont introduites dans un sujet. Ainsi l’efficace, par laquelle une nouvelle substance ou idée (qualité) est produite, est nommée action dans le sujet qui exerce ce pouvoir, et on la nomme passion dans le sujet où quelque idée (qualité) simple est altérée ou produite.

Th. Si la puissance est prise pour la source de l’action, elle dit quelque chose de plus qu’une aptitude ou facilité, par laquelle on a expliqué la puissance dans le chapitre précédent ; car elle renferme encore la tendance, comme j’ai déjà remarqué plus d’une fois. C’est pourquoi, dans ce sens, j’ai coutume de lui affecter le terme d’entéléchie, qui est ou primitive et répond à l’âme prise pour quelque chose d’abstrait, ou dérivative, telle qu’on conçoit dans le conatus et dans la vigueur et impétuosité, Le terme de cause n’est entendu ici que de la cause efficiente ; mais on l’entend encore de la finale ou du motif, pour ne point parler ici de la matière et de la forme, qu’on appelle encore causes dans les écoles. Je ne sais si l’on peut dire que le même être est appelé action dans l’agent et passion dans le patient, et se trouve ainsi en deux sujets à la fois comme le rapport, et s’il ne vaut mieux de dire que ce sont deux êtres, l’un dans l’agent, l’autre dans le patient.

Ph. Plusieurs mots, qui semblent exprimer quelque action, ne signifient que la cause et l’effet ; comme la création et l’annihilation ne renferment aucune idée de l’action ou de la manière, mais simplement de la cause et de la chose qui est produite.

Th. J’avoue qu’en pensant à la création on ne conçoit point une manière d’agir, capable de quelque détail, qui ne saurait même y avoir lieu ; mais, puisqu’on exprime quelque chose de plus que Dieu et le monde (car on pense que Dieu est la cause et le monde l’effet, ou bien que Dieu a produit le monde), il est manifeste qu’on pense encore à l’action.