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des idées

sans fin son idée de l’espace par de nouvelles additions, étant toujours la même, c’est de là qu’il tire l’idée d’un espace infini.

Th. Il est bon d’ajouter que c’est parce qu’on voit que la même raison subsiste toujours. Prenons une ligne droite et prolongeons-la, en sorte qu’elle soit double de la première. Or il est clair que la seconde, étant parfaitement semblable à la première, peut être doublée de même pour avoir la troisième qui est encore semblable aux précédentes ; et la même raison ayant toujours lieu, il n’est jamais possible qu’on soit arrêté ; ainsi la ligne peut être prolongée à l’infini ; de sorte que la considération de l’infini vient de celle de la similitude ou de la même raison, et son origine est la même avec celle des vérités universelles et nécessaires. Cela fait voir comment ce qui donne de l’accomplissement à la conception de cette idée, se trouve en nous-mêmes et ne saurait venir des expériences des sens ; tout comme les vérités nécessaires ne sauraient être prouvées par l’induction ni par les sens. L’idée de l’absolu est en nous intérieurement comme celle de l’Être. Ces absolus ne sont autre chose que les attributs de Dieu, et on peut dire qu’ils ne sont pas moins la source des idées, que Dieu est lui-même le principe des êtres. L’idée de l’absolu par rapport à l’espace n’est autre que celle de l’immensité de Dieu et ainsi des autres. Mais on se trompe en voulant s’imaginer un espace absolu, qui soit un tout infini, composé de parties. Il n’y a rien de tel. C’est une notion qui implique contradiction, et ces touts infinis et leurs opposés, infiniment petits, ne sont de mise que dans le calcul des géomètres, tout comme les racines imaginaires de l’algèbre.

§ 6. Ph. On conçoit encore une grandeur sans y entendre des parties hors des parties. Si à la plus parfaite idée, que j’ai du blanc le plus éclatant, j’en ajoute une autre d’un blanc égal ou moins vif (car je ne saurais y joindre l’idée d’un plus blanc que celui dont j’ai l’idée, que je suppose le plus éclatant que je conçoive actuellement), cela n’augmente ni étend mon idée en aucune manière ; c’est pourquoi on nomme degrés les différentes idées de blancheur.

Th. Je n’entends pas bien la force de ce raisonnement, car rien n’empêche qu’on ne puisse recevoir la perception d’une blancheur plus éclatante que celle qu’on conçoit actuellement. La vraie raison pourquoi on a sujet de croire que la blancheur ne saurait être augmentée à l’infini, c’est parce que ce n’est pas une qualité originale ; les sens n’en donnent qu’une connaissance confuse, et, quand on en