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des idées

contemplation, et en gardant la puissance de les ramener devant l’esprit, et c’est ce qu’on appelle la mémoire.

Th. On retient aussi et on contemple les connaissances innées et bien souvent on ne saurait distinguer l’inné de l’acquis. Il y a aussi une perception des images, ou qui sont déjà depuis quelque temps ou qui se forment de nouveau en nous.

§ 2. Ph. Mais on croit chez nous que ces images ou idées cessent d’être quelque chose dès qu’elles ne sont point actuellement aperçues, et que dire qu’il y a des idées de réserve dans la mémoire, cela ne signifie autre chose, dans le fond, si ce n’est que l’âme a, en plusieurs rencontres, la puissance de réveiller les perceptions qu’elle a déjà eues avec un sentiment qui la puisse convaincre en même temps qu’elle a eu auparavant ces sortes de perceptions.

Th. Si les idées n’étaient que les formes ou façons des pensées, elles cesseraient avec elles ; mais vous-même avez reconnu, Monsieur, qu’elles en sont les objets internes, et de cette manière, elles peuvent subsister ; et je m’étonne que vous vous pouvez toujours payer de ces puissances ou facultés nues, que vous rejetteriez apparemment dans les philosophes de l’école. Il faudrait expliquer un peu plus distinctement en quoi consiste cette faculté et comment elle s’exerce, et cela ferait connaître qu’il y a des dispositions qui sont des restes des impressions passées, dans l’âme aussi bien que dans le corps, mais dont on ne s’aperçoit que lorsque la mémoire en trouve quelque occasion. Et, si rien ne restait des pensées passées, aussitôt qu’on n’y pense plus, il ne serait point possible d’expliquer comment on en peut garder le souvenir ; et recourir pour cela à cette faculté nue, c’est ne rien dire d’intelligible.

Chap. XI. — De la faculté de discerner les idées.

§ 1. Ph. De la faculté de discerner des idées dépend l’évidence et la certitude de plusieurs propositions qui passent pour des vérités innées.

Th. J’avoue que pour penser à ces vérités innées et pour les démêler, il faut du discernement ; mais pour cela, elles ne cessent point d’être innées.