quoi nous parlerons plus amplement dans la suite. J’avoue pourtant que ces impressions inclinent sans nécessité.
Ph. On dira peut-être que dans un homme éveillé qui pense, son corps est pour quelque chose et que le souvenir se conserve par les traces du cerveau, mais que, lorsqu’il dort, l’âme a ses pensées à part en elle-même.
Th. Je suis bien éloigné de dire cela, puisque je crois qu’il y a toujours une exacte correspondance entre le corps et l’âme, et puisque je me sers des impressions du corps, dont on ne s’aperçoit pas, soit en veillant, soit en dormant, pour prouver que l’âme en a de semblables. Je tiens même qu’il se passe quelque chose dans l’âme qui répond à la circulation du sang et à tous les mouvements internes des viscères dont on ne s’aperçoit pourtant point, tout comme ceux qui habitent auprès d’un moulin à eau ne s’aperçoivent point du bruit qu’il fait. En effet, s’il y avait des impressions dans le corps pendant le sommeil ou pendant qu’on veille, dont l’âme ne fût pas touchée ou affectée du tout, il faudrait donner des limites à l’union de l’âme et du corps, comme si les impressions corporelles avaient besoin d’une certaine figure et grandeur pour que l’âme s’en pût ressentir, ce qui n’est point soutenable si l’âme est incorporelle, car il n’y a point de proportion entre une substance incorporelle et une telle ou telle modification de la matière. En un mot, c’est une grande source d’erreurs de croire qu’il n’y a aucune perception dans l’âme que celles dont elle s’aperçoit.
§ 16. Ph. La plupart des songes dont nous nous souvenons sont extravagants et mal liés. On devrait donc dire que l’âme doit la faculté de penser raisonnablement au corps ou qu’elle ne retient aucun de ses soliloques raisonnables.
Th. Le corps répond à toutes les pensées de l’âme, raisonnables ou non, et les songes ont aussi bien leurs traces dans le cerveau que les pensées de ceux qui veillent.
§ 17. Ph. Puisque vous êtes si assuré que l’âme pense toujours actuellement, je voudrais que vous me puissiez dire quelles sont les idées qui sont dans l’âme d’un enfant, avant qu’elle soit unie au corps ou justement dans le temps de son union ; avant qu’elle ait reçu aucune idée par la voie de la sensation.
Th. Il est aisé de vous satisfaire par nos principes. Les perceptions de l’âme répondent toujours naturellement à la constitution du corps, et, lorsqu’il y a quantité de mouvements confus et peu distin-