Page:Œuvres morales de Plutarque, traduites du grec par Amyot, tome 3, 1802.djvu/27

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que le bras seulement de la dame pudique et honneste ne soit pas commun, mais ny sa parole mesme : ains faut qu'elle se garde, et qu'elle ait honte, autant presque de desployer sa parole,que de descouvrir son corps devant des estrangers, pour autant que ses meurs, ses actions et ses conditions se voyent et se descouvrent en icelle, quand elle parle.

Phidias feit l'image de Venus aux Eliens, aiant le pied dessus la coque d'une tortue, qui signifioit, que la femme ne se doit partir de la maison, ains y demourer en silence : car il faut qu'elle parle ou à son mary, ou par son mary, ne se faschant point pour cela, si elle sonne par la langue d'autruy, comme fait le haubois.

Les hommes riches, les Princes et les Roys en honorant les Philosophes et gens de lettres se font honneur à eux mesmes : mais les Philosophes qui font la court et s'asservent aux riches, ne les rendent pas honorez pour cela, ains se rendent eux-mesmes deshonorez. Il en prend tout de mesmes aux femmes : car quand elles se soubmettent à leurs marits, elles en sont louees : mais quand elles en veulent estre maistresses, cela leur est plus mal- seant, que non pas à ceux qu'elles maistrisent. Mais il faut que le mary domine la femme, non comme le seigneur fit son esclave et ce qu'il possede, mais comme l'ame fait le corps, par une mutuelle dilection et reciproque affection, dont il est lié avec elle : comme l'ame peut bien avoir soing du corps, sans s'asservir aux voluptez, ny aux appetits desordonnez d'iceluy, aussi peut bien le mary