Page:Œuvres morales de Plutarque, traduites du grec par Amyot, tome 3, 1802.djvu/22

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au coeur de son mary, c'est à dire, en son entretien, en ses moeurs, et en sa conversation, donnant ordre que toutes ces choses ne soient point dures, fascheuses ny ennuyeuses par chascun jour à son mary, ains plaisantes, agreables et accordantes à ses conditions. Car tout ainsi que les medecins craignent d'avantage les fiévres qui s'engendrent de causes occultes, assemblees de longue main petit à petit, que celles qui viennent de causes toutes apparentes et manifestes : aussi y a-il quelquefois de petites hargnes, et querelles quotidianes et continuelles entre le mary et la femme, que ceux de dehors ne voyent ny ne cognoissent pas, qui les separent plus l'un de l'autre, et gastent plus le plaisir de leur cohabitation, que nulle autre cause.

Le Roy Philippe de Macedoine aimoit une femme de Thessalie, que lon mescroyoit de l'avoir charmé et ensorcelé : parquoy la Royne Olympias sa femme feit tant qu'elle l'eut entre ses mains : mais quand elle l'eut bien regardee, et bien consideré comme elle estoit belle, de bonne grace, et comme sa parole sentoit bien sa femme de bonne maison, et bien apprise : «Arriere, dit- elle, toutes calomnies : car je voy bien que les charmes dont vous usez sont en vous-mesmes.» C'est doncques une force inexpugnable qu'une femme espousee et legitime, qui mettant en elle mesme toutes choses, son avoir, sa noblesse, ses charmes voire tout le tissu mesme de Venus, s'estudie par douceur, bonne grace et vertu, d'acquerir l'amour de son mary.