Page:Œuvres morales de Plutarque, traduites du grec par Amyot, tome 3, 1802.djvu/18

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les lignes et les superfices ne se meuvent point par elles, mais au mouvement des corps : aussi que la femme n'ait nulle propre et peculiere passion ou affection à elle, ains qu'elle participe aux jeux, aux affaires, aux pensements, et aux ris de son mary.

Ceux qui ne prennent pas plaisir de voir leurs femmes boire et manger librement

en leur presence, leur enseignent à se saouler gouluëment à part, quand elles sont seules : aussi ceux qui ne s'esjouissent pas gayement avec leurs femmes, et ne se jouent et ne rient pas priveement avec elles, leur enseignent de cercher leurs plaisirs et voluptez à part. Les Roys de Perse quand ils souppent ou mangent à leur ordinaire, ont leurs femmes espousees assises aupres d'eux à la table : mais quand ils veulent jouer et boire d'autant jusques à s'enyvrer, ils renvoyent leurs femmes en leurs chambres, et font venir leurs concubines, et leurs chanteresses et baladines : et font bien en cela, qu'ils ne veulent point que leurs femmes legitimes voyent ne participent en rien de leurs yvrongneries, et de leurs dissolutions. S'il advient doncques qu'un homme privé subject à son plaisir, et mal-conditionné commette quelque faute avec une sienne amie ou avec une chambriere, il ne faut pas que sa femme pour cela se courrouce, ne qu'elle s'en tourmente : mais plus tost qu'elle estime, que c'est pour la reverence qu'il luy porte, qu'il ne veult pas qu'elle soit participante de son yvrongnerie, de son orde luxure et intemperance.