Page:Œuvres morales de Plutarque, traduites du grec par Amyot, tome 3, 1802.djvu/17

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la raison, elles l'ostent d'elles mesmes tout paisiblement, et le supportent patiemment.

Caton priva un Senateur Romain de la dignité Senatoriale, d'autant qu'en presence de sa fille il avoit baisé sa femme : cela fut bien un peu trop violent : mais s'il est laid, comme il est, de s'entre-baiser, ambrasser et accoller en presence d'autres, comment n'est-il encore plus laid et plus deshonneste, s'entre-injurier et s'entre-tanser l'un l'autre ? se jouer à part en secret avec sa femme, et la caresser, et puis en public la tanser, la blasmer et picquer de rudes et aigres paroles devant le monde ? Comme un miroir, pour estre bien doré et enrichy de pierres precieuses, ne sert de rien s'il ne represente bien au vif la face de celuy qui se mire dedans : aussi ne plaist point une femme pour avoir beaucoup de biens, si elle ne rend sa vie semblable, ses moeurs et conditions conformes à celles de son mary. Si le miroir fait un visage triste et morne à un qui est joyeux et gay, ou au contraire riant et enjoué à une personne qui est melancholique ou marrie, il est faulx, et ne vaut rien : aussi est une femme mauvaise et importune, qui fait de la renfrongnee quand son mary a envie de se jouër à elle, et de la caresser : ou à l'opposite qui veult rire et jouër alors qu'elle voit son mary en affaire, et bien empesché : car l'un est signe qu'elle est fascheuse, l'autre qu'elle mesprise les affections de son mary : là où il fault, ainsi que disent les Geometriens, que