Page:Œuvres morales de Plutarque, traduites du grec par Amyot, tome 3, 1802.djvu/14

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peine les peut-on plus desjoindre ne separer avec le feu ny avec le fer.

Tout ainsi comme le feu se prend aiseement à de la balle et au poil de liévre, mais aussi s'estaint-il encore plus tost, si lon n'y met soudainement quelque matiere propre à le nourrir et entretenir : aussi faut-il estimer que l'amour des nouveaux mariez qui n'est allumé que de la chaleur de jeunesse et de la beauté du corps seulement, n'est pas ferme ne durable, s'il n'est fondé en conformité de bonnes et honnestes moeurs, et qu'il ne tiene de la prudence, engendrant une vive affection reciproque de l'un envers l'autre.

La pescherie que lon fait de poisson avec des appasts empoisonnez est bien soudaine à prendre, et prompte à arrester le poisson, mais elle le rend mauvais et dangereux à manger : aussi les femmes qui composent certains bruvages d'amour, ou quelques autres charmes et sorcelleries pour donner à leurs marits, et qui les attrayent ainsi par allechemens de volupté, il est force qu'elles vivent puis apres avec eux insensez, estourdis, et transportez hors de leur bon sens. Ceux que l'enchanteresse Circé avoit ensorcellez, estans devenus pourceaux et asnes, ne luy pouvoient plus donner de plaisir ny de rien servir, là où elle aimoit extremement Ulysses qui