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CHAPITRE VIII.
Du génie des Romains vers la fin de la seconde
guerre de Carthage.

Sur la fin d’une si grande et si longue guerre, il se forma un certain esprit particulier, inconnu jusqu’alors dans la république. Ce n’est pas qu’il n’y eût souvent des séditions. Le sénat s’étoit porté plus d’une fois à l’oppression du peuple, et le peuple à beaucoup de violences contre le sénat ; mais on avoit agi, dans ces occasions, par un sentiment public : regardant l’autorité des uns comme une tyrannie qui ruinoit la liberté , et la liberté des autres comme un dérèglement qui confondoit toutes choses.

Ici, les hommes commencèrent à se regarder, moins en commun qu’en particulier. Les liens de la société, qu’on avoit trouvés si doux, semblèrent alors des chaînes fâcheuses; et chacun, dégoûté des lois, voulut rentrer dans le premier droit de disposer de soi-même, de se laisser aller à son choix, et de suivre dans ce choix, par les lumières de son propre esprit, les mouvements de sa volonté.

Comme le dégoût de la sujétion avoit fait rejeter les Rois, et avoit porté le peuple à l’établissement de la liberté ; le dégoût de cette même liberté qu’on avoit trouvé fâcheuse à