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des Romains ; et une des grandes louanges qu’on donne à César, c’est qu’il ne pensoit jamais avoir rien fait tant qu’il lui restoit quelque chose à faire.

Nil actum credens, dum quid superesset agendum4.

Quand je songe à la faute d’Annibal, il me vient aussitôt dans l’esprit qu’on ne considère pas assez l’importance d’une bonne résolution dans les grandes choses. Aller à Rome après la bataille de Cannes, fait la destruction de cette ville et la grandeur de Carthage. N’y pas aller, produit avec le temps la ruine des Carthaginois, et l’empire des Romains.

J’ai vu prendre une résolution qui causoit la perte d’un grand État, si elle eût été suivie. J’en vis prendre une contraire le même jour, par un heureux changement, qui fut son salut ; mais elle donna moins de réputation à l’auteur d’un si bon conseil, que n’auroit fait la défaite de cinq cents chevaux ou la prise d’une ville peu importante5. Ces derniers événements frap-


4. Lucain, Pharsal., liv. II, vers 657.

5. Un jour que je lisois cet endroit avec M. de Saint-Évremond, je le priai de m’apprendre quelles étoient les deux résolutions dont il parle ; et voici l’éclaircissement qu’il voulut bien me donner. « La cour, me dit-il, étant à Pontoise (en 1652) et le cardinal Mazarin considérant que M. le Prince n’en étoit pas éloigné, que Fuensaldagne s’avançoit avec vingt-cinq mille hommes, et le duc